Polynésie, avait enfin retrouvé quelques traces
de Lapérouse, et qui, des mers équatoriales sept
fois traversées, s’avançant sur les derniers flots
navigables des mers antarctiques, avait pénétré
entre des montagnes de glace, jusqu’aux lieux
où le génie de l’homme n’a plus à découvrir
que la stérilité et la mort de la nature. Tant
d’efforts et de souffrances, les fatigues et l’inquiétude
d’un long commandement avaient affaibli
son corps, mais non sa vigueur morale ) et,
en voyant la force de résolution et de pensée,
la ténacité laborieuse empreinte dans les traits
expressifs de cet homme, encore au milieu de la
vie, on se disait que la science avait beaucoup
à attendre de lu i, et qu’au récit bientôt achevé
de son dernier voyage, il ajouterait de vastes et
importants travaux! Vaine espérance! fausse
sécurité de la vie ! Celui que tant de périls
cherchés si loin, que tant de fléaux et d’abîmes
avaient épargné, tout à coup, aux portes de
Paris, au milieu de nos arts, il est enveloppé
dans un affreux désastre. Rien ne reste de lui,
ni la compagne qu’il avait immortalisée en donnant
son nom chéri à une des terres avancées
du cercle polaire, ni le fils dont il avait formé
avec tant de soin l’intelligence prématurée , et
qui, déjà familier avec la plus difficile des
langues d ’O rient, excellait aussi dans les fortes
études de nos collèges, comme l’attestent quelques
pages qu’il écrivit peu de jours avant le
8 mai, et que nous avons demandées à ses
maîtres pour les déposer dans les archives de
votre Société, seule famille que laisse après lui
l’illustre et infortuné d’Urville.
« Que ne vous a-t-il été donné, Messieurs,
d’avoir à recueillir cet enfant orphelin, à l’élever
pour la science, à l’entourer de l’affection que
vous portiez au père. Mais, hélas! vous n’avez
pu de toute cette famille réclamer que quelques
débris à peine reconnaissables, pour leur consacrer
un monument funèbre, comme d’Urvdle
autrefois érigea lui-m êm e, sur les rochers funestes
de V anikoro, un pieux cénotaphe à la
mémoire du plus regretté de ses prédécesseurs.
« Un autre soin vous reste, c’est de seconder,
c’est de hâter la publication des manuscrits presque
complets qu’a laissés d’Urville. L’homme
est tout entier dans les exemples et dans les travaux
qu’il lègue à l’avenir : c’est en les recueillant
qu’on l’honore. ))