gée était revêtue sur toutes ses parois de fusils, de pistolets,
de sabres et de haches d’armes entre-croisées,
qui donnaient à ce navire un air guerrier et presque
corsaire. Rugg m’avoua qu’il avait 400 mousquets
presque tous de fabrique anglaise, achetés à Valpa-
raiso au prix de 4 piastres la pièce. Tout cela,
ajouta-t-il, était destiné à des échanges avec les sauvages.
Il partait le samedi suivant toujours pour
Rapa avec M. Jacobs, mais cette fois il comptait de
là se rendre à Taïli, puis aller à Yavao et ensuite aux
îles Viti.
En descendant à Ào-Kena, je passai d’abord chez
M. Jacobs pour lui rendre ma visite. Il en fut si content
qu’il voulut me montrer toutes ses perles. Il me
fit d’abord voir celle qu’il venait d’acheter de Ma-
rion ; elle était vraiment fort belle et il comptait en
tirer 1,500 piastres; puis il me montra un petit bocal
plein de perles dans les prix de 10 à 100 piastres,
suivant leur taille et leur pureté ; enfin trois livres
environ de mitraille qu’il comptait vendre au prix de
80 francs l’once. En outre, je vis chez lui deux perles
difformes, fort grosses et d’une belle eau ; enfin une
perle de la grosseur d’un oeuf de pigeon mais à moitié
engagée dans la nacre de sa coquille. C’eût été
une pièce hors de valeur si elle eût été complète.
L’écaille de tortue, m’assura-t-il, se vendait 10 piastres
à Taïti et à peu près autant sur les côtes d’Amé-
rique; mais en Chine elle atteignait jusqu’à 20 ou 25
piastres. L’intention de Jacobs était de suivre Rugg
jusqu’à Roua ou Viti-Lebou, pour reconnaître les
lieux, puis s’en retourner en France afin de déterminer
quelque armateur à équiper un navire à frais
communs avec lui et revenir faire en ces mers le
commerce de l’écaille et du bois de Sandal.
Il m’accompagna ensuite chez l’évêque avec qui je
causai un instant, puis je sortis pour faire un tour
dans son île, après lui avoir promis d’être de retour à
midi pour déjeûner. Accompagné de MM. Roquemau-
rel et Gervaize et du matelot Bernard qui portait ma
boîte, je commençai à me mettre en marche. Nous
traversâmes d’abord l’arcade percée, puis nous suivîmes
le revers méridional de l’île, le long de sa
chaîne basaltique et bien tapissée de fougères et d’arbustes
verdoyants, mais peu variés.
En passant devant l’aiguade, j’ai trouvé les matelots
de la Zélée occupés à laver leur linge. Ils m’ont
appris que quand ils travaillaient à y faire l’eau, le
bassin de la source ne suffisait qu’au chargement de
la moitié de la chaloupe. Ensuite ils étaient obligés
durant quatre heures d’attendre qu’il se remplît de
nouveau. On eût évité cet inconvénient en élargissant
suffisamment le réservoir.
Nous continuâmes ensuite notre route le long de
la mer, mais comme la marée était haute, nous
trouvâmes des endroits où nous ne pûmes passer que
très-difficilement; car les naturels ne se sont pas
donné la peine de pratiquer un sentier sur la terre,
préférant, sans doute, se mettre dans l’eau quand la
mer est haute.
Non loin de la pointe ouest de Ao-Kena, nous