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Août. qu’avait choisi pour fonder son empire, nions Guillou,
un des deux aventuriers français établis à Manga-
Reva ; car on saura que ce Guillou, tout abruti, tout
ignorant qu’il était, avait sérieusement l’envie d’être
roi. Il s’indignait, disait-il, à la pensée de s,ervir un
être aussi stupide, aussi inepte que Mapou-teoa. Il
ajoutait que la couronne lui avait été offerte, et il
1 aurait probablement acceptée s’il n’eût craint de
trouver les missionnaires peu disposés à favoriser ses
desseins. Au moins se proposait-il d’aller régner sur
1 île Marou-Tea. II est vrai qu elle était alors inhabitée;
mais il comptait avoir pour sujets, sa femme, son çn-
fant et les nigauds qu’il espérait enrôler sous ses
drapeaux. C’était dans ce but qu’il avait construit la
pirogue que je l’avais engagé à céder aux missionnaires;
mais il avait sur-le-champ remis sur les chantiers
la quille d’une autre chaloupe qui devait lui servir
à effectuer ses projets de grandeur future.C’est le
cas de s ecrier: Ou diable la manie de trôner va-t-elle
se fourrer!.... Sans contredit Sancho à l’île Bara-
taria eut été un vrai Salomon en comparaison de ce
qu il y avait lieu d attendre de ce Guillou une fois
déguisé en roi.
Toutefois je dois déclarer à son honneur qu’il tint
la parole qu il m avait donnée de faire ma provision
de pourpier à mon départ, tandis que son confrère
Marion oublia complètement la sienne. Aussi Guillou
reçut-il de moi quelques bouteilles de vin en retour,
et je pense que leur contenu aura été plus précieux
pour lui qu'aucun des diamants de sa future couronne.
Comme il soufflait une jolie brisé d’E. S. E.; avec
un beau temps, je remis le cap au N. 0. filant de 5 à
6 noeuds. Vers cinq heures du soir nous devions nous
trouvër à deux ou trois milles au plus de la position
que donna Wilson pour son île Duff, position qu occupait
encore une certaine île High-Island, indiquée
parM. dé Krusenstern, d’après l’autorité d’ailleurs
bien équivoque de l’Américain Reynolds. L’horizon
nous aurait permis de distinguer une île basse jusqu’à
quinze milles de distance au moins, à plus forte raison
une île haute. C’est donc encore une terre fort
incertaine ou du moins mal placée.
La brise tombe presque entièrement et la chaleur
devient déjà très-importune par 20° lat. S., bien que
le thermomètre ne marque que 25 et 26°; mâis la
proximité des îles basses contribue sans doute à la
rendre plus sensible, en donnant plus de pesanteur a
l’air.
La brise ayant repris au S. E., nous courons au
N. j E. et N. ~ N. E., vers l’île Minerve que je désire
reconnaître, ainsi que l’île Serles,. avant de mettre
définitivement le cap sur l’archipel Nouka-Hiva. A
o n z e heures un quart du soir, le point ne nous plaçait
plus qu’à 15 ou 16 milles au plus de Minerve; je Courus
dès petits bords pour laisser le reste de la nuit
s’écouler. Depuis huit heures du soir, à la suite d un
* petit gràin de pluie, la brise avait beaucoup fraîchi de
la partie de l’est.