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Un autel était dressé en plein air, dans l’angle formé par les-
deux côtés de l’église. L’édifice, encadré par les arbres à pain,
dont les branches entrelacées formaient le voile, n’avait d’autres
décorations que quelques pavillons tendus autour du sanctuaire.
Le sol était couvert des étoffes du pays. Deux fauteuils pour les-
commandants de XAstrolabe et de la Zélée, et des sièges pour les
états-majors des deux corvettes, étaient préparés à droite de
l’autel. A gauche, était un fauteuil pour le roi et un siège pour
ses trois oncles. Les femmes occupèrent la droite et les hommes
se placèrent à la gauche. Le détachement prit place en face de
l’autel, derrière les assistants q u i, accroupis sur leurs talons,
attendaient avec recueillement que la cérémonie fût commencée.
Dès que l’évêqueeut paru à l’autel, assisté de tous ses diacres,l’un
d’eux se tournant du côté des assistants, entonne un verset en.
langue du pays. Aussitôt un millier de voix, au timbre grave et.
sonore, s’élève avec un ensemble et une harmonie qui pénétrèrent
mon âme de l’émotion la plus vive. Jamais les pompes de nos
cathédrales ni la musique guerrière de nos armées n’ont étonné
mon oreille et fait vibrer mon âme autant que ce chant religieux,
ce simple chant des sauvages qui bénissaient le Dieu des chrétiens
; mais la répétition trop fréquente des mêmes versets, des
mêmes mots finit par être monotone : le choeur devint traînant
et perdit bientôt tous ses charmes. Ce n’était plus qu’un bourdonnement
peu agréable produit par des machines humaines qui,
montées à un certain diapason , ne s’arrêtaient plus. Plusieurs
fois, pendant la cérémonie, les missionnaires voulurent pour un
instant comprimer l’élan musical des naturels ; mais, malgré le
signal donné et le geste impératif du chef, le bourdonnement se
prolongeait encore, et se terminait par quelques coassements
peu harmonieux.
Une décharge de mousqueterie eut lieu à l’élévation, et ne
parut pas trop distraire les naturels de leur pieux recueillement.
Après la messe, l’évêque nous adressa quelques mots analogues
à la circonstance. L’émotion visible du prélat fut plus éloquente
que ses paroles. Il s’adressa ensuite aux sauvages dans leur
propre langue, et après une courte exhortation pastorale, il
entonna un Te Deum, qui termina la cérémonie.
( i l / . Rorjuemaurcl.) §
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Le dimanche 12 devait voir une cérémonie imposante, et dont
l’effet sur l’esprit des habitants devait être salutaire. M. d’Ur-
ville avait prié l’évêque de venir officier ce jour-là à Manga-Reva,
ce que Monseigneur avait accordé avec empressement. Tous les
officiers des deux bâtiments avaient été invités à assister en grande
tenue à la tête des équipages à l’office divin, et tout le monde applaudit
à cette heureuse idée du commandant. Quoique la
matinée eût été bien pluvieuse, tout le monde s’embarqua dans
les canots, et l’on se rendit à Manga-Reva, escorté par vingt matelots
en armes de chaque corvette. Nous trouvâmes sur le quai
le roi Mapouteoa qui nous reçut à la tête de trente guerriers armés
de lances. Toute la population nous attendait sous les arbres,
et la vue des uniformes et de nos armes excita un murmure prolongé
d’étonnement. A l’arrivée de l’évêque, la troupe se mit en
marche vers l’église, devant laquelle on avait élevé un autel tendu
de pavillons de toutes les couleurs qui, se mêlant au feuillage
varié des arbres, produisait un effet admirable de pittoresque
et de gracieux. D’un côté de l’autel flottait le pavillon tricolore,
et de l’autre celui de Manga-Reva, gardés, celui-ci par deux
guerriers de l’île, celui-là par deux matelots armés. En attendant
que l’on commençât le service divin, nous eûmes le temps de jeter
un coup d’oeil sur la scène imposante et pleine d’intérêt qui s’of