Les caciques paraissaient satisfaits et faisaient leurs préparatifs
de Voyage; nous-mêmes nous pensions aussi à reprendre leche"
min de Concepcion, lorsqu’arriva le capitaine Zuniga.
Il était annoncé depuis plusieurs jours et revenait dé l’expédition
qui avait repoussé les tribus soulevées. Tout devait, disait-
on, changer de face à son arrivée. J’étais donc curieux de le voir,
de l’entendre et surtout en présence des caciques. Cet officier
chilien est le commissaire-général des Indiens, le chef de tous les
capitaines de amigos ou interprètes. C’est un homme de trente-
quatre ans environ , d’une taille moyenne, mais bien prise ; sa
physionomie, sans être belle, est remarquable par son expression
et toutes ses manières sont franchement militaires.
Son père était habitant d’Arauco et l’un des capitaines de ami-
gos, lorsque la guerre de l’indépendance éclata ; poursuivi par les
patriotes, il se réfugia à Jucapel au milieu des Indiens. Là , le
jeune Zuniga apprit de bonne heure leur langue, leurs moeurs ,
leurs exercices et bientôt il se fit remarquer par son adresse et son
courage ; plus tard il se réunit à la bande du chef espagnol Pico
et vécut ainsi douze ans parmi toutes les peuplades indiennes.
Souvent et lorsque sa valeur lui eut acquis une grande influence
sur ses compagnons d’armes , il traversa les Cordillères pour envahir
alternativement les provinces de Mendoza, Cordova et même
Buenos-Ayres. Véritable bédouin, Zuniga ne connut pendant
longtemps ni patrie ni pénates. Connu chez les sauvages sous le
nom de Neculpan ou Neculpangue (lion du désert ou lion coureur),
il prit souvent part aux combats qu’ils se livraiententre eux.
et même encore aujourd’hui ils croiraient lui faire une injure de
ne pas lui conserver ce nom.
Il se trouvait depuis quelque temps réuni à la bande du célèbre
partisan Pincheira, lorsqu’un des frères de ce chef, fatigué de
la vie errante, prit la résolution de se soumettre au gouvernement
chilien. Zuniga et Gatua furent les agents de cette capitulation.
Cette troupe était de pi'ès de 4oo hommes ; une grande partie qui
voulut résister fut prise et fusillée ; on forma avec le reste ün escadron
dit de carabiniers dont Zuniga, Gatua et Rozas furent
nommés capitaines. Plus tard , le premier obtint par son intelligence
et son influence sur lès Indiens, l’emploi de commissaire-
général. On pourrait croire que la vie errante qu’il amenée pendant
longtemps, devait lui avoir fait contracter les habitudes
grossières des peuplades parmi lesquelles il a habité; cependant
il n’en est pas ainsi. Neculpan n’est pas un petit maître ; mais j ’ai
vu bien des militaires élevés au milieu des peuples civilisés dont
les manières étaient plus brusques que celles de cet élève de la
nature.
Comme on nous l’avait annoncé, sa manière de traiter les Indiens
était bien différente de celle qu’avait employée l’intendant
et les autres chefs. Plus de cette condescendance, plus de ces considérations
qui au fait n’indiquaient que de la faiblesse ; loin de
cela, on remarquait chez Zuniga , la roideur et l’arrogance d’une
supériorité peut-être trop affectée.
Le jour que nous arrivâmes , comme je vous l’ai déjà dit, les
Indiens nous assaillirent; l’intendant leur fit à tous des politesses,
leur donna des accolades sans nombre, enfin ,
Il aurait du mitron embrasse la marmite.
A peine l’arrivée de Zuniga fut-elle connue, que le cacique
Antinahuel se présenta seul pour le saluer et lui demander la
même faveur pour les autres qui étaient formés à vingt pas de distance.
Zuniga répondit d’un air dédaigneux, qu’il ne pouvait
les recevoir pour le moment, qu’il se rendrait bientôt sur le lieu
des conférences, et qu’alors il leur ferait connaître la nature des
paroles qu’il leur apportait ; le cacique se retira humblement,
rendit compte de son message à ses commettants qui firent leur
demi-tour sans rien dire et retournèrent à leur logement.
Deux heures plus tard, nous partîmes avec l’intendant pour
assister aux nouvelles conférences. Zuniga nous avait devancé.
Lorsque nous arrivâmes, il était appuyé nonchalamment contre