M. Gazotte répondit à cela que le Volsey allait être
en effet immédiatement mis en vente, mais qu’il ne
1 était pas encore et que les matelots ne pouvaient pas
être libérés. D’ailleurs on savait que le capitaine lui-
même devait se mettre au rang des enchérisseurs et
que le navire lui resterait probablement. Comme je
répliquais qu’en cela il ne pouvait y avoir que conjecture,
attendu que d’autres négociants pourraient bien
surenchérir, le consul avoua qu’en ces occasions,
lorsque le capitaine lui-même vient se présenter au
nombre des acquéreurs, les négociants lui font rarement
concurrence. J’avoue que je restai confondu
en entendant une pareille déclaration. Déjà l’on m’avait
raconté tant de tours de mauvaise foi, d’improbité
, et l’on pourrait dire de vraie baratterie de la part
des capitaines marchands, qu’il m’était difficile de
concevoir comment les négociants et les consuls, loin
de songer à réprimer de pareils méfaits, se montraient
plutôt disposés à encourager de semblables
friponneries par une faiblesse inconcevable.
Je me représentai surtout quelle devait être la désolation
d’un malheureux armateur, qui se voit non-
seulement dépouillé de sa propriété par la manoeuvre
frauduleuse et les fourberies de son capitaine, mais
qui est aussi exposé à voir le même navire rentrer
dans le port, après être devenu à vil prix la propriété
de son spoliateur. En vérité, je ne conçois pas comment,
avec de pareilles chances, des négociants se
hasardent encore à confier des bâtiments aux risques,
de l’Océan.
Pour moi, je fus réduit à ne plus songer aux matelots
du Volsey, et je parlai d’autre chose. Je demandai
donc s’il était convenable dans ma position transitoire
à Valparaiso, d’aller présenter mes devoirs à M. Garrido,
la principale autorité du lieu. MM. Cazotte et
Duhaut-Cilly m’avouèrent qu’ils se trouvaient en ce
moment avec lui sur un pied fort équivoque, par suite
des démêlés survenus au sujet du baleinier dont j’ai
déjà fait mention.
Le jour de la fête du roi, les autorités du Chili n’avaient
fait aucune démonstration de politesse envers
le pavillon français. Il y avait même plus, le gouverneur
Garrido avait attendu huit mois entiers pour rendre
la visite qu’il avait reçue à son arrivée de M. Henri
de Villeneuve , commandant la station française. A
cela je déclarai que je m’en rapportais tout-à-fait à
leur avis, touchant la convenance de faire moi-même
le premier la démarche en question. Pour ma part,
j’étais complètement insouciant de voir ou non M. Garrido
, mais je désirais me conformer entièrement à ce
qui serait jugé le plus à propos pour l’honneur du
pavillon. Après une assez longue hésitation , nos
deux autorités décidèrent qu’il serait mieux de me
présenter chez le gouverneur, attendu que cela lui
prouverait que nous ne gardions pas rancune de ses
petites bouderies.
En conséquence, précédés par notre consul, M. Jac-
quinot et moi nous nous présentons chez M. Garrido ,
qui occupe une maison d’une chétive apparence au
pied des Quebradas , dans un quartier peu somp