manque que des bas et des souliers. La vue d’un bâtiment de
guerre a paru causer à ces sauvages autant de plaisir que d’éton-
nement. Matoua surtout ne pouvait se lasser d’admirer tant de
merveilles. Une salve de cinq coups de canon mit en émoi tous
les Manga-Reviens, à qui le capitaine Beechey a appris la puissance
des armes à feu, en foudroyant les groupes hostiles qui
voulaient l’empêcher de faire son eau. Aussi, les sauvages qui
ont encore conservé le souvenir de ces terribles posie, restèrent-
ils un instant muets d’épouvante. Mapouteoa, pendant le salut
militaire, se tint blotti contre la dunette, aussi loin que possible
des canons. Un fusil a un coup fut offert à Matoua, qui fut enchanté
de ce cadeau. On lui apprit à faire usage d’une arme aussi
nouvelle pour lu i, et le digne grand-prêtre essaya son fusil en
tremblant de tous ses membres.
L’akariki et son oncle dînèrent chez le commandant et se comportèrent
avec décence, attentifs aux moindres signes des missionnaires
pour rectifier les mouvements désordonnés qui leur
échappaient quelquefois. Ils parurent manger très-volontiers de
tous les mets, excepté des vivres salés. Les sauvages ont, en général
, quelque répugnance pour le sel ; aussi, dit-on , les cannibales
préfèrent-ils la chair des leurs à celle des blancs, parce
que celle-ci a.un goût salé. Le pauvre Matoua s’extasiait sur tout
ce qu’il voyait, sans perdre un coup de dent, et poussait de
temps en temps des cris d’admiration. On demanda à Mapouteoa
s il ne serait pas bien aise d’emporter, pour sa femme et son enfant,
quelques mets qui paraissaient de son goût; mais l’akariki
fut fort étonné de cette proposition, et ne put en comprendre le
but. Matoua, au contraire, parut enchanté de pouvoir faire
goûter à sa famille quelque chose du festin. Les chefs mansa-
reviens partirent le soir et passèrent quelques instants à bord de
la Zélée, où ils furent salués de cinq coups de canon.
(M . Roquemaurel.')
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Là-dessus, nous partîmes convenablement édifiés , e t, malgré
le calme, nous arrivâmes à bord à trois heures. La yole était par
tie chercher le gros Mapouteoa et son oncle Matoua. Bientôt nous
les vîmes arriver flanqués du père Cyprien. Le commandant avait
déjà fait au roi son cadeau, qui consistait en étoffes , une belle
redingote avec veste et culotte, et un magnifique pou-pou a deux
coups. Le tout avait excité l’adiniralion et les pouroutou prolongés
du populaire. Le pauvre oncle, qui est la seconde personne
de l’île , avait ouvert des yeux comme des sabords ; mais le giand
rangatira des Français n’avait pas pensé à lui. A bord, le commandant
lui donna un fusil à un coup. Le brave homme nen
revenait pas, et retournait son pou-pou comme pour s’assurer
que c’en était bien un ; enfin, pour le convaincre tout-a-fait, je
le lui chargeai à poudre et lui fis signe de tirer. Il fit feu en dé
tournant la tète et tenant la crosse à un pouce de son épaule. Le
coup ne fut pas plutôt parti qu’il se mit à éclater de rire et a trépigner
de joie. Rien d’étonnant comme ce vieillard à barbe blanche
sautant comme un écolier échappé. Le commandant leur
donna à dîner ; ils mangèrent de tout, de bon appétit, et surtout
des sardines conservées dans l’huile ; ils trouvaient le lira (poisson)
de France fort bon, et ne concevaient pas comment on avait
. pu l’apporter de si loin. A sept heures, Sa Majesté se rembarqua,
et nous la saluâmes de cinq coups de canon. En nous quittant,
il monta à bord de la Zélée, qui lui donna le même salut; de sorte
que le brave Mapouteoa alla se coucher glorieux et fier de lui-
même.
(M. Demas.')