grande plaine fermée à l’ouest par la mer et à l’est par des montagnes
peu boisées. Je n’apercevais pas encore cette belle végétation
qu on m’avait annoncée, et je croyais me trouver de nouveau,
mystifié par le patriotisme des Chiliens, qui leur fait voir tout en
beau dans leur pays. Mais au fur et à mesure que nous avancions
le terrain prenait un aspect plus varié. Nous ne tardâmes
pas à galoperau milieu de petits bois très-agréablement groupés,
à rencontrer deux ou trois jolis lacs très-gracieusement situés.
Enfin au sortir d’un chemin ombragé nous aperçûmes l’habitation
du Coronal qui appartient au général Rivera. Après
avoir traversé un pont de bois construit sur un ruisseau d’une
eau fraîche, et limpide, nous dominâmes tout à coup une petite
pelouse parsemée de bosquets aussi élégants que variés. En face
de nous s’élevait une haute montagne, couverte de beaux et grands
arbres du bas jusqu’au sommet, qui nous présentait une nappe
de verdure d’un effet vraiment pittoresque. A droite sont les maisons
et une autre montagne couverte de vignes dont le vert feuillage
faisait paraître plus sombre celui de la colline voisine. Le
général Rivera était absent ; nous ne fîmes donc là qu’une halte
d une demi-heure, et après avoir pris quelques rafraîchisse-r
menls, nous continuâmes notre route.
A deux lieues plus loin , force fut à l’intendant d’abandonner
sa carriole. Nous allions entrer dans les montagnes. Depuis cet endroit
jusqu’à Arauco , le chemin est ce qu’on appelle mauvais,
cependant il n’est pas sans .agrément. On me permettra sans doute
d’en donner ici une description sommaire ; car celui de chaque
site, quelque varié qu’il soit, deviendrait par .trop monotone,.
Comme nous longions la côte, nous avions alternativement à
passer par le fond de différentes baies, etpar les pointes des hautes
montagnes qui donnent au rivage un aspect si escarpé; souvent
après avoir galopé quelque-temps sur une plage de sable où le
soleil, bien qu’au mois de mars, ne laissait pas de nous incommoder,
nous nous trouvâmes tout à coup sous l’ombrage
très-épais d’arbres d’une hauteur prodigieuse. Les chemins des
montagnes sont droits, profonds, escarpés, et la plupart même
sont remplis de trous faits par les pas des mules en hiver, ce qui
leur donne presque la forme d’escaliers. Des arbres très-tou us
ét entrelacés les couvrent de telle manière qu’il faut se coucher
sur son cheval pour y passer. Cependant après avoir eu bien de la peine à gravir une montagne vous trouvez, en la descendant, de
petits vallons que l’on traverse en passant sous de jolis berceaux
garnis de fleurs des couleurs les plus variées. On remarque particulièrement
une espèce de liane appelée dans le pays Captbue.
La fleur qui a la forme du lis est d’un écarlate foncé, a des
pistils jaunes, et son feuillage ressemble beaucoup à celui de
la liane de notre pays. Cette liane s’attache et s’entrelace
aux plus grands arbres , du sommet desquels elle retombe
jusqu’à terre en formant des guirlandes festonnées avec un
goût qui ne serait pas au-dessous de celui de nos meilleuis
décorateurs. La vue de l’Océan Pacifique, celle des hautes montagnes
boisées dont vous êtes entouré offrent àchaque instant des
paysages que j ’ai souvent regretté de ne pouvoir dessiner, mais
pas un oiseau ne se montre dans ces forêts.
Après environ deux heures de marche, après avoir passé Bahia-
Blanca, nous arrivâmes dans une petite baie nommée Hatilla,
où M. Alemporte a formé un établissement pour la pêche de la
baleine. Le directeur est un Hanovrien , dont le nom est Vagat-
bers, mais que les Chiliens appellent Fer gara, et lés Anglais the
flym s dulchman , le Hollandais Notant. 11 a avec lui à peu près
une trentaine d’hommes. La plus grande partie sont des Canecas
Indiens d’Otahiti et autres îles de la Mer Pacifique ; le reste se
composede déserteurs des baleiniers américains.Ils ont construit
unappareilsurundes côtés delabaie,etc’est là qu’ils dépècentles
baleines. Leur pèche est faite par quatre pirogues, seules embarcations
qu’ils possèdent. C’est sans doute à cause de ces faibles
moyens qu’ilsne prennentque des baleines de petites dimensions.