260 . NOTES.
le but de maintenir les troupes sur les frontières et de le faire rerenoncer
à l’expédition contre le Pérou.
Celte journée, où Trangoil-lanca avait joué un grand r ôle, où
son langage avait été même arrogant, se termina par la convention
suivante :
Tous promirent de maintenir la paix et de respecter le territoire
chilien.
Trois des caciques présents devaient se rendre à Los Mololas,
près du cacique Anal, pour faire rentrer Manguil ' dans le devoir
et l’amener à Concepcion, où il traiterait avec le gouvernement.
Colipi n’aurait aucune autorité sur les districts de la côte.
Enfin , pour assurer la bonne harmonie et la paix, on planterait
une croixdevant le lieu des conférences, au pied de laquelle
les chrétiens enterreraient lès paroles qui avaient été dites.
11 s’éleva, au sujet de ce dernier article, une discussion entre
l’intendant et le cacique Antinahuel. Le premier voulait que la
croix fût placée sur une base de pierre qui existe.en face de la
porte de la ville, où déjà il en existait une du temps des Espagnols.
Antinahuel exigea qu’elle fût plantée sur le lieu même de
la conférence, parce que ,. disait-il, il fallait que les paroles restassent
enterrées où elles avaient été prononcées. Antinahuel gagna
le procès. , ■
Tout étant ainsi arrangé; nous nous retirâmes à notre logement,
et bientôt se présentèrent les caciques avec tout leur monde
pour recevoir les présents que l’intendant leur devait offrir.
On leur distribua des vestes militaires en drap bleu, parements
et colet rouge, puis des mouchoirs de coton, du tabac , de l’in-
digo, des colliers de verroterie et autres bagatelles. Enfin et pour
couronner l’oeuvre, ils furent armés chacun d’une grande canne
à pomme d’argent, à peu près comme celles de nos tambours-
majors.
Manguil est le cacique qui, attiré, ilit-on, par quelques Chiliens mécontents,
avatt envahi les frontières au commencement de février.
NOTES. 261
Rien n’était curieux et dégoûtant en même temps comme de
voir l’avidité que mettaient ces malheureux à s’emparer des
moindres bagatelles qui leur étaient données ; puis la bassesse
avec laquelle ils se dépouillaient de leurs vêtements d’hommes
libres pour endosser la livrée de l’esclavage. Je m’amusai à en
habiller un moi-même. Après l’avoir débarrassé de son poncho,
je lui plantai sur la peau nue (car l’usage des chemises n’est
point encore arrivé jusqu’à eux) une belle veste de.soldat. Elle
était un peu juste au corps et paraissait le gêner. Cependant à
force de signes je parvins à lui persuader qu’il devait la boutonner
et me chargeai de cette opération, lui renfonçant de temps à
autre son gros ventre avec le poing et le genou. Cela fini il voulut
respirer, mais au même instant tous les boutons sautèrent à
la fois. Le gros sauvage, surpris de cette explosion, me regarda
d’un air stupéfait. On peut penser que cette figure nous fit tous
partir d’un grand éclat de rire, ce qui ne parut pas lui être agréable.
Une autre veste que je lui apportai lui rendit sa bonne humeur
; mais il ne voulut pas que je l’aidasse à faire sa nouvelle
toilette.
Aussitôt que l’intendant eut terminé son opération ,nous commençâmes
la nôtre , M. Rouse et moi.
. Nous les fîmes venir devant la porte de la chambre que nous
occupions ; puis au moyen d’un interprète je leur fis un beau dis--
cours. Je leur expliquai qu’outre les Chiliens , il existait d’autres
nations qui habitaient de l’autre côté delà mer; que parmi ces
nations il en était deux appelées Anglaise et Française qui
étaient les amies des Chiliens et voulaient être les leurs ; que souvent
nos navires venaient sur leurs côtes et que quelques-uns y
avaient fait naufrage ; que je savais que loin de porter des secours
à nos compatriotes ils les avaient maltraités et pillés ; que si
pareille chose avait lieu de nouveau, nous nous verrions obligés
d’envoyer de grands navires , armés de gros canons et des milliers
de soldats pour châtier ceux qui manqueraient ainsi aux lois de