courent l’Océanie que pour promener le pavillon. La
corvette Y Ariane allait bientôt terminer le temps de
sa station, et devait sous trois ou quatre mois retourner
en France. Je fis donc connaître au commandant
Duhaut-Cilly qu’il rendrait un important service à
notre mission s’il pouvait nous donner quelques marins
de bonne volonté. A cette ouverture, son front se
rembrunit tout à coup, et, d’un air embarrassé, il
tâcha de me faire comprendre qu’il ne pourrait pas,
sans se compromettre, affaiblir la force de son équipage.
Certes, je fus loin d’être convaincu; mais je
cessai d’insister, et lui dis seulement qu’à cet égard,
je ne voulais rien devoir qu’à sa bonne volonté, car il
avait eu soin d’observer que si je voulais lui donner
l’ordre en qualité d’ancien dans le grade, il obéirait.
Je lui demandai ce qu’il savait au sujet des mission^
naires catholiques, et il m’apprit que l’évêque habitait
aux îles Gambier avec quelques-uns de ses prêtres,
que leurs efforts avaient eu un plein succès, et que
les naturels, entièrement convertis au christianisme,
avaient adopté des moeurs douces, hospitalières et
étaient même d’une piété exemplaire. Cette nouvelle
confirma le désir que j’avais déjà conçu de commencer
par ce point mon exploration dans l’Océanie.
Le commandant Duhaut-Cilly s’offrit ensuite à nous
accompagner chez M. Cazotte, faisant les fonctions de
consul-général depuis la mort de M. Dannecy. On débarqua
devant la douane, bâtiment neuf, et le seul
qui mérite le nom d’édifice, dans cette ville qui doit
uniquement au commerce ses progrès encore si ré—
cents. Puis nous suivîmes la grande ru e, la seule
aussi qui soit digne de cé nom, attendu que c’est la
seule régulière, large et bordée d’assez belles maisons
, bien qu’elle soit dépourvue de toute symétrie.
Le reste des habitations se trouve dispersé sur des terrasses
pratiquées presqu’à pic sur le penchant de la
falaise, et auxquelles on ne parvient que par des
ruelles étroites, sinueuses, d’un aspect peu agréable,
et souvent d’un accès assez difficile.
C’était dans une de ces ruelles, peu éloignée il est
vrai, que se trouvait la résidence de notre consul.
Ce fonctionnaire, qui est un homme assez jeune et
doué des manières les plus polies, nous fit beaucoup
de civilités et d’offres obligeantes.
L’unique service important que j’avais à réclamer
de lui était de me procurer quelques matelots, et il fut
obligé d’avouer qu’à cet égard son crédit était totalement
impuissant. Un navire nommé Volsey, se trouvait
en rade , et devait être mis dans quelques jours
en vente pour remplir les engagements pris envers
divers négociants au nom de l’armateur par le capitaine,
et l’on s’accordait à dire qu’en cette occasion,
la conduite de celui-ci était fortement entachée de
soupçons peu honorables. Des matelots du Volsey^é-
taient présentés à M. le capitaine Jacquinot, pour
embarquer de bonne volonté sur nos corvettes. Je fis
donc observer à M. Cazotte que ces matelots étaient
disponibles et qu’il n’y aurait que profit pour l’armateur
à diminuer sur-le-champ d’autant la charge de
son navire.