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Cette contrariété inattendue nous fit perdre en peu d’instants
tout ce que nous avions gagné depuis le matin ; il fallut recommencer
à manoeuvrer de plus belle, et l’équipage y apporta tant
de bonne volonté, que c’était vraiment plaisir de louvoyer ainsi.
A quatre heures et demie nos ancres étant bien parées pour le
mouillage, et chacun étant à son poste, nous donnâmes enfin
dans la passe du sud. Tribord et bâbord à nous, la mer brisait
avec violence sur le récif, et à chaque instant, c’était un cri de la
vigie pour annoncer tantôt un changement de couleur dans les
eaux, tantôt une apparence de brisants, et le commandant faisait
gouverner de manière à éviter les nombreux récifs qu’on annonçait
à chaque instant et sur l’existence desquels le pilote de
M. l’évêque ne paraissait pas du tout rassuré. Les sondeurs, de
cinq minutes en cinq minutes, chantaient la profondeur des eaux
qui variait successivement de 8 à 12 brasses, et qui même quelquefois
n’était que de 6 brasses. Il y avait de l’audace dans cette
manoeuvre, car ce changement continuel de fond faisait souvent
briser la mer là où il y avait certes assez d’eau pour nous et même
pour un plus grand navire. Mais le pilote, lui-même, n’étant
pas très-rassuré, ceux qui n’y étaient jamais venus devaient être
naturellement plus défiants encore.
A six heures du soir, nous avions franchi sans éncombre la
ligne la plus dangereuse, c’est-à-dire, la limite de la ceinture
des brisants qui entourent les îles ; nous naviguâmes dans la rade
extérieure d'Aka-Marou et les cartes de M. Beechey pouvaient
alors nous servir. On ne s’occupa plus dès-lors des criailleries du
pilote qui, perché sur les barres du petit perroquet, chantait ses
craintes à chaque instant. L’eau de la mer était alors d’une couleur
uniforme partout, et le fond variait de 20 à 3o brasses ; souvent
même, surtout dans la partie est de la rade, il atteignait une
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profondeur que le sillage du navire nous empêchait d’estimer et
qui dépassait 3o brasses.
(jyi. Marescot.)
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Cependant, malgré le vent debout et frais, ajoutant beaucoup
de confiance à la carte de Beechey, et ne pouvant tirer aucun
parti du savoir de nos hôtes , le commandant se décida à entrer
dans la passe et à y louvoyer. Placé dans un canot de l’arrière,
son coup d’oeil supplée à tout; ses ordres, exécutés avec promptitude,
nous font arriver à la nuit, non pas au niouillage, mais
assez près de terre pour être un peu à l’abri. Mouillés parmi les
coraux, notre ancre tient bon, et nous y devons passer la nuit.
La Zélée a imité notre manoeuvre, toutefois, ayant manqué plusieurs
fois de virer dans la passe, elle s’est trouvée un instant
assez loin derrière nous. Dans notre louvoyage, nous avons dû
passer sur des bas-fonds, et parmi ces pâtés de coraux, rien ne
«uide le navigateur que la couleur et le mouvement des eaux. Le
commandant s’est montré marin aussi habile et aussi courageux
que dans le détroit de Magellan.
(M. Dumoulin.) ■
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La journée se passe au mouillage d’Aka-Marou , mais tout
nous promet pour demain des vents favorables pour atteindre la
rade de Manga-Reva. En attendant, les naturels , qui n’ont pu
encore descendre à terre, à cause de là perte de leur pirogue,
brûlent d’impatience de regagner leurs foyers ; mais nous n’avons
qu’à nous louer de la conduite et de la douceur de ces bonnes
gens : leur physionomie ouverle et naïve, leur air simple et jovial
ont enchanté chacun de nous. L’un de ces naturels, que nous ne