une des plus petites îles, dans le but de conserver , par son éloignement
du chef, une plus grande influence, quand il jugera
convenable d’intervenir dans les circonstances futures qui intéresseront
la mission ; ce fait a élé avoué par M. Delalour et par
M. Guilmart. 11 est fort curieux de voir avec quelle franchise ces
messieurs donnent ce motif, lorsqu’eri même temps ils critiquent
amèrement la conduite des missionnaires anglais, en ce qu’ils
influent sur la conduite des chefs des îles où ils se trouvent. Une
guerre ouverte est déclarée entre les deux croyances. Les missionnaires
catholiques attaquent leurs antagonistes par tous les
côtés, et leur ardeur est telle, qu’il y a peu de temps, un an, je
crois, deux d’entre eux se sont fait conduire à Taïti pour convertir
les naturels déjà chrétiens, à la foi romaine. Cette tentative est
inconvenante, puisqu’il existe encore assez d’idolâtres, comme ils
a pppellent les sauvages , à rendre chrétiens, pour ne pas aller
faire invasion sur le domaine d’autrui. Ici le bout de l’oreille
perce, et on peut facilement voir que les efforts de nos missionnaires
tendent, non pas à l’amélioration des peuples sauvages,
mais à la renommée qui en résultera pour leurs travaux ; ils
préféreront aussi trouver une occasion de faire parler d’eux, en
allant renverser, s’ils le peuvent, l’édifice élevé par un voisin ,
plutôt que de s’adonner à des travaux obscurs de civilisation
dans un coin caché du globe, où, quoique leurs efforts soient
couronnés de succès , ils n’attirent pas l’attention publique.
Bien plus, l’esprit de controverse et de dispute a remplacé en
grande partie celui de paix et de tolérance qui devrait exister.
A nous, étrangers à la querelle, il devient souvent impossible
de comprendre le rapport que les accusations des missionnaires
de Gambier ont avec la religion. Les Anglais, nous ont-ils
dit, enseignent à leurs néophytes des choses indignes; ils leur
disent, par exemple, que la France est une petite île, mais que
1 Angleterre est un pays immense, que la puissance française
n’est rien et la puissance anglaise tout, et mille autres attaques
de ce genre! En supposant même que ce soit exact, quoique
avancé par des bouches trop partiales dans la question pour le
faire croire, qu’en résulterait-il? Que les missionnaires anglais se
conduisent tout aussi mal que nos prêtres, qui vantent avec raison
leur pays, mais qui apprennent à leurs disciples à haïr les
hérétiques et à détester les Anglais.
Parmi toutes les plaintes des missionnaires français , une seule
est fondée, et celle-là est grave en quelque sorte.
Dans le mois de novembre de l’année i 836, MM. Laval et
Carret furent violemment expulsés de l’île Taïti, où ils avaient
voulu convertir les indigènes. L’influence dès missionnaires
anglais les rendait, dans une question aussi intéressée, solidaires
des violences commises. MM. Laval et Carret, après avoir refusé
de quitter l’île , ont été expulsés par force de la maison de
M. Morenhout, consul américain et pécheür de perles établi à
Taïti, et embarqués sur un navire qui les a reconduits à Gambier.
Les mauvais traitements qu’ils ônt reçus constituent un
attentat commis sur des citoyens français q u i, quoiqu’étant
dans leur tort, devaient être traités d’une manière plus en harmonie
avec le droit des gens.
Cette affaire est un sujet fondé de plaintes, mais c’est le seul :
et les missionnaires en profiteront, car elle jette sur eux une couleur
de dévouement, de souffrance, et en quelque sorte de martyre
qui contribuera beaucoup à les rendre intéressants. Les insinuations
nemanquent pas pour obtenir une satisfaction des missionnaires
anglais, afin qu’à l’avenir les citoyens français puissent
être respectés dans l’Océanie, comme ils le sont ailleurs.........
Ils est pénible d’entendre de pareils discours dans la bouche
de gens qui revêtent un caractère de paix, et dont le maître
a dit : « Si on te frappe sur la joue droite, présente la
gauche. »
Un grand nombre de naturelsnous suivent dans G promenade
que nous faisons, riant et grimaçant de plaisi, toutes les ibis