Ils attendaient done une nouvelle circonstance qui
leur permît de recommencer leurs labeurs évangéliques;
et elle ne tarda pas à se présenter. L’équipage
d’une goélette américaine (sans doute celle de ce Bill
dont il a déjà été question) vint à Manga-Reva pour
la pêche des perles, et ne tarda pas à maltraiter les
naturels; après avoir souffert quelques temps, ceux-
ci, poussés à bout, se réunirent pour repousser les
étrangers. Un engagement eut lieu, mais les effets
des armes à feu épouvantèrent tellement Mapou-teoa
qu’il eut recours à l’intervention des missionnaires,
qui réussirent par leur zèle, leurs prières et leurs
remontrances à persuader au capitaine du navire de
se retirer. Les sauvages avaient pris dans le combat
deux matelots qu’ils se préparaient à massacrer. Mais
les missionnaires les réclamèrent et leur fournirent
durant la nuit les moyens de s’enfuir sur leur navire.
Celte action eût pu leur attirer à eux-mêmes la colère
des indigènes ; mais ceux-ci furent sans doute si
satisfaits d’être délivrés de leurs ennemis qu’ils ne
s’en tinrent point offensés. Au contraire, ils furent
tellement sensibles au service important qu’ils venaient
de recevoir dés missionnaires, qu’ils les regardèrent
dès-lors comme des êtres d’une nature réellement
supérieure. Dès ce moment les deux prêtres
obtinrent une influence sans bornes dans ces îles, et
peu à peu tous les naturels se firent successivement
chrétiens catholiques.
Deux ans après MM. Laval et Carret, arriva l’é—
vêque lui-même avec un renfort de missionnaires et
M. Latour. La conduite et les manières du prélat furent
si douces, si conciliantes et si persuasives, qu’il
sut gagner tous les coeurs. Sa tenue pleine de dignité
et la pompe des cérémonies n’ajoutèrent pas peu à
l’attachement que les naturels ressentaient pour leur
nouveau culte.
Les missionnaires non contents d’avoir réformé le
moral de ces hommes, s’occupèrent aussi avec activité
des améliorations matérielles. Par leurs soins,
des plantes nouvelles furent introduites, celles qu’ils
possédaient déjà furent mieux cultivées, des animaux
inconnus leur furent apportés et nourris avec soin
pour leur assurer de nouvelles ressources à l’avenir.
Les cabanes devinrent plus logeables; enfin des
efforts furent tentés pour leur ménager des habillements
plus solides que ceux qu’ils avaient auparavant.
Toujours ces missionnaires se montrèrent empressés
de secourir et d’aider de tous leurs moyens les
naturels dont ils avaient pris la direction. En même
temps, toujours simples et modérés dans leurs besoins,
contents de la modeste soutane blanche qui
était le costume de leur ordre, ils savaient aussi se
borner aux aliments du pays et même aux mêts que
les naturels leur avaient préparés. Toute leur ambition,
tout leur luxe, je l’ai déjà dit, se réduisaient à la
construction d’édifices plus imposants pour le culte
divin. Si en cela ils se trompaient, il faut du moins
convenir que ce n’était point par suite de passions
mesquines et égoïstes.