Quand le fils du roi était parvenir à un certain âge, qu'il est
difficile de préciser, parce que ce peuple, avant sa conversion,
ne reconnaissait pas d’années et n’avait pas d’expression pour
fixei un événement, on le transportait sur le sommet le plus
élevé du mont de Manga-Reva, et là il vivait seul dans une maison
qu’on y avait bâtie exprès. Les prêtres, les grands du royaume
avaient seuls le droit d’y faire de rares pèlerinages, pour rendre
hommage à l’enfant royal. A partir du moment où le fils du roi
avait atteint l’âge convenable pour être transporté dans sa maison
aérienne, son père perdait le sceptre et n’était plus que le régent
du royaume. Seulement en cas de guerre, c’était toujours lui
qui commandait les guerriers.
Parvenu à sa majorité, époque aussi problématique que l’autre,
puisqu’ils ne peuvent le préciser que par la taille que pouvait
avoir 1 enfant, on allait le chercher en grande cérémonie , et l’on
célébrait son avènement réel au trône par des jeux et des festins.
Cette idée d’envoyer un enfant vivre seul sur le sommet d’une
montagne avait un but, sans doute, mais je n’ai rien pu apprendre
là-dessus.
Quand le roi mourait, ils avaient l’habitude de transporter
son cadavre sur le mont Duff ou pic de Manga-Reva, et ils le déposaient
dans la cabane où son enfance s’était écoulée calme et
paisible. A l’aide d’une corde, on hissait le cadavre sur le sommet
même du pain de sucre, où l’on envoyait d’abord un ranga-
tira pour faciliter .cette manoeuvre singulière. C’était presque
toujours un ami ou un parent du défunt, et quelquefois cet honneur
était réservé à celui qui avait été le frère d’armes du monarque
vivant ; on le laissait plusieurs jours dans la cabane où le
roi enfant avait été élevé, et on profitait de ce laps de temps pour
disposer tout ce qui était nécessaire à l’ensevelissement du corps.
On le descendait ensuite avec le même appareil pour le déposer
sur une table de pierre, où l’on procédait à l’action de l’ensevelir.
De grand cris et des larmes accompagnaient cette cérémonie
funèbre, et autant que je l’ai pu comprendre , le but de l’ascension
sur le.sommet de Manga-Reva était de faire croire au peuple
que le roi mort était allé rendre son âme au grand Aloua.
Quand ils avaient préparé le cadavre royal et qu’on lui avait
rendu tous les honneurs qui lui revenaient encore sur la terre,
on le plaçait sur une pirogue décorée le mieux possible et on
allait le déposer sur l’île Anga-Kawita , dans une grotte ou caverne
réservée pour cet usage- Cette île n’était pas habitée et elle
était tabou, c’est-à-dire qu’il était défendu d’en approcher.
Au reste, ils ensevelissaient tous leurs morts avec le plus grand
soin, et après les avoir entourés de bandelettes , ils les plaçaient
sur de petites estrades élevées au-dessus du sol de deux ou trois
mètres. Un petit appentis les garantissait de la pluie. Il paraît
même qu’ils embaumaient en partie le cadavre, car des Européens
qui ont approché de ces monuments, n’ont senti aucune odeur.
Les enveloppes en étoffes du pays qui entouraient ces corps en
étaient peut-être la cause, car je ne me suis pas aperçu, pendant
mon séjour aux îles Gambier, que les insulaires connussent
l’usage des parfums.
La mort d’un roi donnait lieu chaque année à une fête mortuaire
; tous les grands du royaume et les parents du défunt se
rendaient en grande cérémonie sur l’île Anga K awita, et on ajoutait
une enveloppe complète à celles qui pouvaient déjà l’envelopper.
Cette opération répétée tous les ans, finissait par augmenter
singulièrement le volume de l’ex-monarque, et on a vu
des cadavres royaux qui atteignaient une circonférence de un
mètre de diamètre. :
Les grandes familles rendaient aussi cet honneur annuel à
quelques-uns de leurs membres, surtout quand ils avaient eu
une. existence brillante et guerrière.
Le capitaine Beechey, dans le récit de son voyage d’exploration,
pense que les Manga-Reviens n’étaient pas anthropophages, et il
appuie cette opinion de la remarque qu’il a faite que ces insu