18.38
Mai.
3.
lumière, ils ne savaient pas retrouver leur chemin
dans les ténèbres, et restaient enfermés dans leurs
murailles qui s’écroulaient sur leurs têtes, tandis
qu’au milieu de la rue, ils pouvaient s’en mettre à
l’abri.
J’avais destiné cette journée à une promenade sur
les rives du Biobio, mais une pluie continuelle nous
consigna à la maison. Sur les deux heures, le ciel
s’étant éclairci, malgré les instances de M. Bardel pour
me retenir, je le déterminai à me confier sa cariole,
et le soir à cinq heures j’étais de retour. Je voyais avec
effroi notre relâche à Talcahuano se prolonger, et je
voulais l’abréger le plus possible. Or, pour accélérer
les travaux, je savais combien la présence du chef
à bord d’un navire est un des moyens les plus efficaces
*.
Dans l’après-midi, je visitai le long de la côte cette
espèce de banc de coquillages qui m’avait tant étonné
en 1823. Ce massif, situé sur le bord de la grève à une
demi-lieue environ de Talcahuano, forme une espèce
de muraille compacte, haute de 2 ou 3 mètres, dont
la base s’élève de 5 à 6 décimètres au plus au-dessus
de la pleine mer. C’est un amas de toutes les coquilles
qu’on trouve dans la baie, telles que concholepas,
moules, arches , patelles, fissurelles, liées par un ciment
argileux peu compacte et agrégées en quantité
innombrable. Ces testacées n’étaient nullement en
décomposition; on n’y voyait aucune trace de fossilisation,
et plusieurs avaiént encore leur forme intacte
et jusqu’à leur drap marin. Leur présence par agglomération
aussi considérable paraît difficile à expliquer,
quand même on aurait recours à la théorie du
soulèvement. Aussi je me contente d’exposer le fait
sans chercher aucune explication. Près de là, le rivage
est couvert d’ossements et surtout de vertèbres
de baleines ; ces débris s’expliquent facilement par le
travail des baleiniers. Ceux-ci amènent devant Quiri-
quina les cadavres des baleines qu’il capturent pour
en extraire l’huile ; puis ils abandonnent les restes
aux flots, et les vents du nord vont les pousser et les
rejeter sur les bords de la presqu’île*
Dans cette journée et les suivantes, les travaux du
gréement et l’embarquement des provisions furent
poussés avec activité sur les deux corvettes. Le 6 , le
grand canot de Y Astrolabe alla chercher tous les objets
qui étaient restés à I’hopital, et les malades de la
Zélée l’évacuèrent aussi définitivement.
Tous étaient rétablis de la manière la plus satisfaisante,
et il ne restait que cinq ou six hommes des deux
navires qui ne fussent pas entièrement remis. Sans
doute ils étaient plus travaillés par la peur que par le
mal lui-même ; quoi qu’il en soit, j’étais décidé à les
laisser à Valparaiso.
M. Hombron s’était rendu à mes raisons, à mes assurances
pour le reste du voyage**; maisM. Le Guillou,
• XXXII.
c.
* Note3o.
* * Note 31 .