Après ayoiiL dépassé le cimetière, je me trouvai
sur un terrain assez spacieux, élevé de 100 ou 150
mètres au-dessus du niveau de la mer. Ce plateau
est occupé en partie par des plantations de coton,
de courges, de haricots et de patates, et en partie
par des bosquets de cocotiers, de bananiers et d’arbres
à pain, sous lesquels on trouve quelques cases
solitaires. Je remarquai à l’entrée des murailles
massives qui semblaient attester que ces lieux
avaient dû être occupés par une population plus
nombreuse.
Là, je commençai à sentir de vives douleurs aux
reins. Je congédiai Matoua en lui faisant comprendre
que je l’enverrais chercher à trois heures
dans mon canot avec son frère et M. Cyprien, pour
venir dîner avec moi; car je voyais que le digne
chef aurait été désolé de manquer cette bonne
aubaine.
Plus loin la terrasse devenait très-étroite, et le
mont Duif s’élevait immédiatement sur la droite
comme une muraille presque perpendiculaire de
2 ou 300 mètres de hauteur. Alors je me mis à descendre
vers la plage par un sentier très-escarpé que
la pluie de la veille avait rendu fort glissant, et sur
lequel les pieds ne pouvaient tenir que par des entailles
pratiquées dans le sol. Aussi le pauvre Baur
qui avait une vue très-courte, tombait à chaque instant,
et il finit par faire sur son derrière la plus
grande partie de la descente. Ses glissades faisaient
rire aux éclats les naturels qui marchaient tout aussi
aisément dans ces mauvais pas qu’auraient pu le
faire des singes. Arrivé au bas de la colline, je me
trouvai dans une espèce de lisière qui borde la mer,
ombragée par des arbres fruitiers et occupée par
quelques habitations. Je sentis mes douleurs redoubler,
et je m’assis au bord d’un petit ruisseau d’eau
fraîche, pour m’y tremper les pieds et me baigner le
visage, dans l’espoir de me soulager, comme cela
m’arrivait quelquefois en pareille circonstance. Puis
je me relevai pour essayer d’atteindre l’aiguade à
peine distante d’un demi-mille, où j’avais envoyé mon
canot m’attendre.
Mais au bout de quelques pas, les douleurs de tête et
d’entrailles devinrent si cruelles que je me sentis prêt
à défaillir et je fus obligé de m’étendre sur la plage.
Les naturels qui me suivaient parurent consternés de
me voir dans cet état. Les uns allaient chercher de
l’herbe et des feuilles pour appuyer ma tête, les autres
m’olfraient leurs dos ou leurs bras pour ine porter ;
enfin l’un d’eux eut la bonne idée de me frotter le
ventre à nu. Ces frictions réitérées apaisèrent sensiblement
la douleur et me permirent d’aller rejoindre
un canot qui me rendit à bord vers une heure. Là je
me mis au lit deux heures environ, puis je me trouvai
passablement soulagé de cette indisposition, assez du
moins pour recevoir mes convives.
En effet, à trois heures et demie, mon canot amena
M. Cyprien, Mapou-teoa et Matoua. Je fis hisser le pavillon
de Manga-Reva en tête du mât, puis je le saluai
de cinq coups de canon, ce qui parut flatter beaucoup la
il