climats. On me fît observer que des monuments
en pierre étaient plus appropriés à la majesté du
culte et inspiraient plus de respect aux fidèles.
C’est possible ; mais quoi qu’il en soit, je vis bientôt
avec plus de satisfaction un autre grand travail tout
récemment exécuté par les naturels, à l’exhortation
des missionnaires. C’était une belle route large, Unie,
qui traversait la vallée entière dans l’étendue de plus
d’un mille, en longeant le bord de la mer. Ses deux
côtés sont couverts de jolies plantations de taros, de
cocotiers et de bananiers bien entretenues, et l’on a
ménagé les arbres dont quelques-uns poussent au
milieu de la route, et qui en font une promenade délicieuse.
Tout cet espace était jadis inculte et presque
impénétrable ; à l’instigation des missionnaires qui
joignent l’exemple au précepte, les naturels ont poussé
cette besogne avec une telle vigueur, qu’ils ont accompli
ces beaux travaux en moins de deux ans.
Dernièrement encore, ils y travaillaient avee tant de
zèle et d’ardeur, que les missionnaires ont été obligés
eux-mêmes de les faire cesser, pour les renvoyer aux
travaux de l’agriculture, qu’ils auraient peut-être
négligés. Voilà du moins de la philantropie éclairée !
Quelques cases sont éparses près de la route. L’une
d’elles appartient à un des oncles du roi ; au milieu
de la place ou maldi située en avant, s’élève un pan-
danus assez touffu.
Au-dessous, 1 on me montra l’endroit où quatre
ou cinq ans auparavant, un homme avait été offert à
Tow1, la divinité principale du lieu, puis tué et
mangé. Quelques-uns des assistants confessaient
avoir pris part à ce festin, mais ils paraissaient faire
cet aveu avec quelque embarras.
Un peu plus loin, on me montra dans un bouquet
d’arbres la case solitaire où vivait l’unique naturel
qui eût résisté aux prédications des missionnaires.
Cet homme, âgé de plus de 60 ans, voulait mourir,
disait-il, dans la croyance de ses pères. Les missionnaires
qui affectaient de le regarder comme un insensé,
m’avaient assuré qu’il ne m’attendrait pas
dans sa case, mais qu’il s’enfuirait dans le bois. Cependant
il m’attendit de pied ferme, accroupi devant
sa cabane et enveloppé d’une étoffe du pays ; sa figure
était assez vénérable, mais à travers l’air de fermeté
qu’il affectait, il me fut facile de deviner qu’il était
très-agité intérieurement et il tressaillait de tous ses
membres. Il me considéra un moment avec anxiété
et il me dit d’un ton saccadé, « Atoua, atoua, ne me
fais pas de mal, cette cabane, ces arbres sont à toi;»
en me montrant sa case, ses bananiers, ses fruits à
pain et ses cocotiers.’Puis s’enhardissant, il m’invita
par deux ou trois fois à lui donner le salut du pays
(l’attouchement du nez) que je lui accordai. Alors il
1 M. Cyprien pense que ce Tou, à Manga-Reva, était considéré
comme le fils de Tanga-Ioa, père des dieux ; à Taïti, Tou signifiait
dieu en général. T,anga-loa était une divinité célèbre à la Nouvelle
Zélande comme à Tonga. 11 est évident que tout cela tient au
même système de théogonie.