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Quelques temps après le départ du grand canot, nous vovons
arriver une petite embarcation de forme européenne, portant
un large pavillon blanc coupé par une bande bleue, avec des
étoiles bleues aux quatre coins, et une blanche au milieu. Nous
pensions au premier abord que Sa Majesté Mapouteoa venait nous
rendre visite ; c’était moins ou peut-être mieux que cela. Le porteur
de l’étendard du nouveau roi chrétien, était seulement un
majordome chargé de remettre au commandant une lettre et des
cadeaux. La lettre écrite par un des missionnaires ne valait pas
les présents, très-précieux pour des gens qui on t deux mois de mer,
consistant en cocos, en poules et en bananes. L’attention était
très-délicate, et c’est avec un sentiment de reconnaissance que
nous mangeons ces fruits et buvons ces cocos à la santé de l’ami
des Français et des missionnaires, M. Mapouteoa, Grégoire 1er,
roi chrétien des îles Manga-Reva.
(M . Desgraz. )
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Le canot major fut expédié pour reconnaître une aiguade
sur la côte de l’île principale de ;Ma.nga-Reva. Après avoir contourné
la pointe S. O , sur laquelle s’élève; le morne escarpé qui
domine tout le groupe, on s’enfonce dans une large baie obstruée
par des coraux qui, a marée basse, laissent à peine quelques canaux
navigables pour une embarcation. Toute la côte était verdoyante
et ombragée de touffes d’arbres serrés, au-dessus desquels s’élevaient
des cocotiers, chargés de fruits. Cette belle végétation ne
laissait a la mer qu’une grève très-étroite où les eaux amorties par
les récifs venaient presque baigner le pied des arbres. Quelques
cases éparses sur ce rivage paisible constituent le chef-lieu de tout
le groupe, la ville de Manga-Reva, résidence du roi de cette île
et autres lieux circonvoisins. C’est vers cette cité que le pilote
Guillou nous dirigea d’abord. Après avoir doublé un petit îlot
couvert d’un bouquet d’arbres, nous accostâmes à un quai en
maçonnerie dont les faces rectangulaires encaissent un bassin
carré d’environ quarante pas, servant à parquer les tortues destinées
à la table du roi.
Ce ne fut qu’avec peine que nous parcourûmes la foule empressée
qui encombrait le côté du débarcadère où nous avions mis
pied à terre. Les naturels nous accueillirent de la manière la
plus affectueuse. Nous n’avions pas assez de mains à donner à
tous ceux qui nous tendaient la leur, ni assez de paroles aimables
pour répondre aux compliments de bien-venue qui nous assourdissaient.
Ces bonnes gens, après avoir épuisé tout le vocabulaire
des mots français qu’ils ont appris des missionnaires,
nous disaient dans leur langue des choses dont nous lisions la
traduction dans leurs visages riants et leurs regards affectueux.
Aux bonjours (montour), bonsoir (montoir), français (parnacé),
comment vous portez vous (corné vous porté vous'), succèdent les
ourana prolongés, entremêlés de cristian, catolica, missinari, qui
nous firent concevoir comment nous étions accueillis en frères
par ces mêmes insulaires qui, en 1826, repoussaient les Anglais
a coups de pierres et de lances. Il est donc vrai que trois missionnaires
français, sans aucun secours du gouvernement, n’ayant
d’autres armes que la douceur et la persévérance, sont parvenus
en quatre années à ramener à des moeurs douces et hospitalières
ces peuplades sauvages et intraitables.
Après avoir répondu de notre mieux aux démonstrations amicales
des naturels, nous gagnâmes le bord du quai sur lequel
s’ouvre l’une des portes de la ville royale. C’est un étroit défilé
formé par deux grosses branches d’un pandanus, qui ne s'élève
au-dessus du sol que juste ce qu’il fautpour couvrir le seuil
de la porte, et dont le sombre feuillage hérissé de pointes forme