encore avec le même cortège, mais plus paisiblement, vèrs la capitale
du département. Nous trouvâmes la porte gardée par les
Civiios, et les remparts couverts d’une foule de curieux et de curieuses.
Notre entrée fut des plus brillantes ; les cloches faisaient
retentir l’air de leurs sons argentins et le tambour battait au
champ.
Ç.etak superbe en \ éiitc.
Pendant qu’on marchait, j ’observais ce spectacle, où se dessinait
plus d’une figure assez grotesque ; mon attention fut attiïéè
par un guaço qui me salua en français. Je tournai la tête, et
qu’on juge de ma surprise en trouvant auprès1 de mon cheval
M. Lozier, ancien élève de l’école Polytechnique, qui habite,
depuis quelques années, les environs d’Arauco. Où diable ce savant
est-il venu se nicher !...
Nous arrivâmes bientôt au château du gouverneur, où des logements
nous étaient préparés, et où nous eûmes l’immense plaisir
de nous débarrasser des nobles habitants de l’Araucanie. Mais
ce ne fut pas sans peine que nous parvînmes à les congédier. Plusieurs
d’entre eux voulaient déjà avoir Îe plaisir de saluer plus
particulièrement cl senor Martin Campo. C’est ainsi qu’ils appellent
l’intendant. Nous avons présumé que cette dénomination
était une corruption du titre de maestro de Campo, que portaient
plusieurs-gouverneurs espagnols.
Après le dîner, nous fûmes avec l’intendant passer l’inspection
des remparts, que nous trouvâmes dans un état pitoyable.
Le lendemain, à onze heures du matin, nous nous rendîmes
tous au palais champêtre des Indiens ; nous fûmes reçus avec un
feu de file d’accolades, d’embrassades et de compliments qu’il
nous fallut supporter avec résignation, sous peine de passer à
leurs yeux pour trois grossiers personnages.
Lorsque l’effervescence des protestations fut un peu calmée,
l’intendant fit séparer par les interprètes ceux des caciques auxquels
leur influence ou leur pouvoir réel donnait le droit de figurer
en première ligne dans cette affaire. On leur désigna des
banquettes qui leur avaient été préparées, et ils s’assirent avec
toute leur circonspection habituelle. Le menu peuple se rangea
derrière eux, on forma un demi-cercle au milieu duquel 1 intendant,
le gouverneur notaire, M. Rouse et moi, nous nous plaçâmes
sur des sièges avec beaucoup de gravité et entourés des
interprètes et autres officiers. Alors commença le parlamcnlo.
Le cacique Couroumilla (or noir), en sa qualité de chef de
l’ambassade, prit le premier la parole. C était un de ceux dont
l’intendant s’étaitservi pour engager les autres à se rendre sur la
frontière. Il s’avança gravement au milieu de l’assemblée, puis,
après avoir donné au Martin Campo l’accolade de rigueur, il lui
demanda la permission de le saluer. Alors il lui fit une énormément
longue narration du but de son voyage, de ses divers incidents
; il lui nomma l’un après l’autre tous les caciques qui!
avait engagés à le suivre. L’intendant répondit en peu de mots
qu’il les voyait avec plaisir disposés a la paix, qu ils pouvaient
compter sur la bonne foi du gouvernement, et qu ils devaient savoir
tous que cette réunion n’avait d’autre but que de les prémunir
contre les pièges que pourraient tendre à leur crédulité certains
ennemis de l’ordre et delà paix. Ces quelques phrases fuient
traduites par un des interprètes, qui eut bien de la peine à les débrouiller,
tant il était étourdi par l’extrème volubilité de l’intendant.
Couroumilla reprit la parole qu’il garda encore près d’une
heure.
E n g é n é ra l, lorsque les Indiens sont réunis.en. assemblée, ils
sont très-circonspects. Personne n’oserait interrompre l’orateur,.
jjÊ çelui-ci, se croit obligé à parler très-longtemps et très-vite.
Dans cette séance,; Couroumilla prit trois fois la parole, et chaque
fois il terminait par une formulequi voulait dire : Ai-je bien
dit, hommes puissants? Les principaux points de ses trois discours
étaient son voyage à l’intérieur, son retour, le rassemblement
des caciques, enfin le désir de la paix et des protestations de