naires. Aucun bâtiment de guerre n’était encore venu visiter ce;
groupe intéressant ; aussi les Anglais s’étaient-ils, empressés de
profiter d’une pareille circonstance pour nous dépeindre à leur
manière.
Quand nos missionnaires abordèrent dans ces îles, ils eurent
à lutter d’abord contre d’anciennes croyances^ contre de vieux
usages ; mais la morale chrétienne qui venait annoncer à ces
populations sauvages une fraternité générale parmi tous ces
hommes, et qui remettait â leur véritable place les femmes, en
les donnant comme des soeurs et non comme des esclaves, cette
morale, dis-je, ne tarda pas à faire de nombreux prosélytes. Ces
succès rapides et mérités, ne restèrent pas inconnus, et le bruit en
arriva bientôt àTaïti.
Les prédicateurs méthodistes qui s étaient établis depuis peu
dans cette île, s’empressèrent, dans la jalousie qu’ils en ressentirent,
d’employer tous les moyens possibles pour faire chasser
nos missionnaires du groupe de Manga-Reva. Ils essayèrent d a-
bord d’exciter laméfiance des insulaires en les dépeignantcomme
des hommes dangereux et avides. Plus tard, ils eurent la diabolique
idée d’expédier un bâtiment avec un assortiment complet
de vauriens de toute espèce, pour tâcher de jeter le trouble et
le désordre dans les colonies. Enfin, voyant que de pareils moyens
ne réussissaient pas, les charitables pasteurs anglicans, après avoir
longtemps cherché sans doute, pensèrent qu’en avilissant la
France aux yeux des habitants de Manga-Reva, on pourrait peut-
être affaiblir, sinon détruire la prépondérance des missionnaires
catholiques. En conséquence, d’obscurs banians maraudeurs, de
ceux-là pour qui toutes les industries sontbonnes, se chargèrent,
en venant chercher des perles sur les récifs, de porter les premiers
coups à nos pasteurs évangéliques. Ils forgèrent une histoire
de la France, digne de leur imagination, et dans leurs quolibets
bas et grossiers, ils racontèrent que la.nation française
n’était guère plus considérable que celle de Manga-Reva, et qu un.
jour l’Angleterre avait été obligée de donner les étrivières à un
certain Napoléon., roi de cette contrée, qui s’était avisé de faire le
tapageur. Cette mauvaise farce était à la portée des insulaires, et
d’après l’opinion de ceux à qui elle pouvait nuire, elle pouvait
agir peut-être sur leurs esprits.
A toutes ces attaques basses et méchantes, les missionnaires ne
répondirent que par le mépris le plus complet ; seulement quand
ils surent qu’on attaquait la dignité de leur patrie, ils se contentèrent
d’en raconter simplement les combats héroïques qui 1 a-
vaien t placée à la tête des nations, et de faire comprendre l’immortel
de Sainte-Hélène, à ceux que les facéties anglaises avaient pu
ébranler.
(M . Mares coi.)
N o t e i o 4, p a g e 1 8 4 .
L’évêque dit la messe, assisté de M. Laval et du père Cyprien.
Qu’on se figure mes émotions dans ce moment-là. Le vent agitait
la cime des arbres et gonflait de temps en temps les pavillons
qui nous entouraient ; le ciel était sombre. Devant nous, sur un
autel chrétien officiait un évêque en habits sacerdotaux, assisté
de deux missionnaires ; à droite, deux factionnaires matelots en
armes ; à gauche, deux Manga-Reviens armés de lances, chacun
près de son pavillon; par derrière cette peuplade encore barbare,
il y a à peine quatre ans; dans cetté cérémonie au milieu des bois,
tout était touchant; aussi tout s’était tu en moi pour ne songer
qu’à Dieu, et j’entendais chaque son de la voix grave du prêtre
qui se mêlait au bruit du vent et du feuillage. Tout à coup
et comme par enchantement, s’élève a la fois entonné par les naturels,
un chant solennel, grave et expressif, espèce de cantique
en langue du pays, qui me fit frissonner d’émotion, et arrêta,
pour ainsi dire, les battements de mon coeur. Non, jamais je n’ai
ressenti pareille émotion.