M. Dumoutier, assez heureux pour avoir pu mouler quelques
individus, MM. Coupvent et Lafond. Les dignes pères nous font
partager leur repas, aussi simple et sans recherche qu’il est possible
: des patates douces ,. une poule et des courges composaient
le régal. Sur la table boiteuse, des services de forme différente,
des assiettes de toutes les couleurs, une bouilloire pour soupiere,
„ne bouteille pour chandelier, présentaient un assemblage d’ustensiles
fort drôle. Pour compléter la scène, deux missionnaires,
un officier de marine, un phrénologiste, un élève de l’Ecole Polytechnique
et un aventurier comme moi, mangeant à pleines
dents, mêlant dans la conversation deux mondes opposés , tandis
qu’un domestique manga-revien, en chemise, servait un mélange
de mets indigènes et de préparations plus civilisées.
Le repas fut cependant bientôt terminé, pour laisser les missionnaires
à leurs prières quotidiennes. Nous nous couchons
dans divers coins où le plus grand désordre a entassé habits,
matelas, effets et ustensiles, en nous félicitant d’avoir trouvé un
abri confortable contre la pluie, dont le bruit accompagne le
murmure des Pater noster et des Ave proférés par MM. Cyprien
et Guilmard. Au commencement, nous croyons ne pas tarder à
jouir d’un repos complet ; mais, ô calamité !... une nuée de puces
nous attaque et ne nous laisse pas fermer l’oeil de la nuit. Des pigeons
cherchant un abri contre l’orage, viennent roucouler à
nos côtés Entre la vermine, le bruit de la pluie et les caresses
des pigeons familiers, il devenait impossible de dormir. Mes compagnons
paraissaient plus heureux, ils ne bougeaient pas. Grâce
à un briquet phosphorique, je parvins à avoir de la lumière poui
m’habiller; après quoi j ’allai au dehors de la maison, échapper à
la cruelle morsure des insectes, jurant bien en moi-même de ne
plus jamais accepter un lit chez les missionnaires.
(M. Desgraz.') .
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Quand j’eus fini, j’allai voir mes matelots. Ils étaient tous à
côté de nous, dans une case assez grande qui était l’ancienne maison
du missionnaire. En entrant chez eux, je les trouvai occupés
à faire un dîner magnifique avec leurs rations et plusieurs poules
qu’ils avaient achetées. Les voyant ainsi reposés et bien logés, je
pensai aussi moi-même à dîner. J’avais emporté avec moi du pain,
du fromage et une bonne bouteille de vin. M. Armand avait fait
préparer un poulet. Sans plus de préambule, nous nous assîmes
chacun à l’extrémité de ce banc; une feuille de bananier nous
servait de nappe. Sur ma parole, je fis là un souper fort agréable
Comme je l’ai dit plus haut, le missionnaire était un homme
charmant, sachant parfaitement concilier son caractère sacré avec
celui de ses hôtes. Il savait fort bien qu’un officier de marine ne
pouvait être moine. Aussi, la conversation , sans dépasser les
bornes de la bienséance, roula sur toutes choses. Cependant,
malgré la franchise et la gaieté de notre entretien , je ne pus rien
savoir de l’état actuel du pays ; soit qu’il y ait peu de chose à en
dire, soit qu’il ne voulût point me montrer les ressorts secrets de
leur puissance. Je poussai, du reste, peu loin mes questions ,
voyant que les réponses me laissaient tant a désirer.
(M , Duroch.)
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A 3 heures, le canot du commandant est allé prendre lakariki
à Manga-Reva. Celui-ci arrive à bord à quatre heures, accompagné
de son oncle Matoua et du missionnaire M. Cyprien.
Sa Majesté est aujourd’hui assez bien costumée. Une redingote
avec boutons à ancre à l’anglaise , un gilet, une culotte et un
chapeau de paille, composent tout son ajustement, auquel il ne