CHAPITRE X X III.
Sur les missionnaires. — Détails sur Manga-Reva.
Ce groupe fut découvert en 1797 par le capitaine
Wilson qui transportait sur son navire, le Duff, les
missionnaires anglais destinés à convertir les peuples
de l’Océanie. Ce navigateur ne chercha point à y aborder
et lui donna le nom de Gambier, amiral anglais,
l’un des plus fervents appuis de la société des missionnaires
à Londres.
On n’a pas eu connaissance que ces îles aient été
visitées jusqu’au capitaine Beechey, qui en 1826 y
mouilla le premier et ne fit qu’y mettre le pied. Il
fut d’abord assez bien accueilli par les naturels, mais
une rixe s’engagea, et Beechey dut recourir à ses
mousquets et même à ses canons. Quelques indigènes
furent tués, et dès ce moment toute espèce de relations
cessa de part et d'autre.
Cependant le capitaine Beechey fit lever un plan de
ces îles aussi détaillé qu’on pouvait le désirer, eu
égard au temps qu’il lui fut permis d’y consacrer, et
recueillit quelques observations curieuses. Il faut
remarquer surtout celle qui atteste que les femmes
de ce groupe, contrairement à ce qui se passait dans
la plupart des archipels voisins, se maintenaient
chastes et réservées avec les étrangers.
Le passage de Beechey laissa des traces profondes
dans l’esprit des naturels. Bon nombre parmi ceux-ci
portent encore gravées sur leurs épaules les épaulettes
qu’ils se firent tatouer , soit pour perpétuer la mémoire
de cet événement, soit parce que cet ornement
leur parut honorable. Cette époque, du reste, est
devenue pour ces insulaires une véritable ère à laquelle
ils rapportent tous les faits arrivés auparavant
comme ceux qui ont eu lieu plus tard.
Il paraît que quelques petits navires employés à la
pêche des perles, voulurent tenter la fortune à Gambier;
mais les naturels se montrèrent constamment
hostiles et peu traitables, soit par suite de leurs dispositions
naturelles, soit aussi qu’ils eussent conservé
quelque rancune des procédés de leurs premiers visiteurs.
Enfin, il est possible et même probable d’après
les exemples dont nous âvons déjà parlé et qui eurent
lieu de temps en temps avant notre arrivée, que les
Européens aient mérité par leur conduite une fâcheuse
réception. Aussi ces sauvages avaient-ils généralement
la réputation d’hommes dangereux et
farouches.
Le 7 avril 1834, deux des missionnaires catholiques
de la maison de Picpus, à Paris, qui avaient