Les apprêts consistent à faire cuire des fruits à pain, à les écraser,
à les pétrir sans aucun mélange. Cette pâte, ainsi,préparée,
est mise dans des trous creusés en terre et garnis de feuilles de
bananier, le tout recouvert et hermétiquement fermé. La fermentation
ne tarde pas à s’opérer et ce mets contracte une odeur désagréable,
un goûtacide que ne peuvent supporter les. Européens',
mais qu’affectionnent beaucoup les gens du pays. Chaque case a
ainsi un ou plusieurs trous, et le bonheur des familles est de pouvoir
les remplir, ce qui ne peut cependant avoir toujours lieu. Il
est arrivé quelquefois, que par imprévoyance, ces peuples se sont
trouvés dans le besoin et la détresse.
Lors de leur établissement sur ces îles, les missionnaires ne
pouvaient faire un pas près des rochers ou entrer dans une excavation,
sans fouler aux pieds des amas d’ossements humains ; par
leurs soins et avec l’aide des naturels qui les ont aidés de bonne
grâce, tous ces débris ont été recueillis et transportés sur un
petit îlot entouré de murs, qui se trouve à quelque distance du débarcadère
de Manga-Reva, non loin d’un bassin carré dont la
destination est de conserveries tortues que Mapouteoa fait pêcher
et qu’il emploie pour sa table. Il nous en donna quelques-unes,
pesant de 3o à 4° livres, dont nous trouvâmes la chair assez
bonne. Aujourd’hui chaque île a son cimetière, entouré de palissades
en joncs avec uûe croix au milieu.
Dans l’étatprimitif, les mariages se faisaient sans aucun préliminaire
; un homme demandait une femme et l’emmenait avec lui
aussitôt qu’elle avait donné son consentement ; mais, autant le
contrat était facilè à nouer, autant il était aisé à rompre. A la
moindre discussion , au plus léger nuage qui s’élevait entre les
époux, au moindre dégoût que le mari éprouvait pour sa compagne,
il l’abandonnait sans scrupule elle et ses enfants, et allait
porter ses voeux auprès d’une autre. Dans ces occasions, la mère
ne prenait pas toujours son parti tranquillement, etse livrait quelquefois
à des accès de colère et de rage, qui souvent se terminaient
par une cruelle et affreuse catastrophe. Se voyant ainsi délaissée,
sans v avoir donné lieu par sa conduite , elle saisissait ses enfants
et leur donnait la mort, soit en les lançant à plusieurs reprises
contre la terre et les écrasant avec des cailloux, soit en les enterrant
tout vifs et les couvrant de sable. L’on montre encore en ce
moment quelques individus qui, sacrifiés de cette manière et
voués à une mort cruelle, ont été sauvés par l’humanité d’autres
personnes qui les ont admis dans leurs familles.
Aujourd’hui les mariages se contractent devant l’Eglise, et les
chaînes en sont regardées comme indissolubles ; les ménages sont
unis et l’homme n’aspire qu’à procurer du bien-être à sa femme
et à ses enfants. Tous remercient Dieu de leur avoir envoyé des
étrangers qui, en les faisant sortir de leur aveuglement, ont changé
leurs moeurs , et leur ont créé une nouvelle O 7 existence dont ils
savent apprécier toute la douceur.
Les capitaines qui fréquentent ce groupe dans le but d’acheter
des perles, accordent aux missionnaires d’avoir fait beaucoup
debien aux habitants, et reconnaissent tous les peines qu’ils
se donnent encore chaque jour, toutes les privations auxquelles
ils s’àsujettissent, dans le seul motif de les rendre meilleurs et de
les civiliser ; mais aussi, én véritables négociants qui ne considèrent
que leurs intérêts, ils les accusent d’avoir gâté le commerce,
et d’avoir renversé leurs spéculations. Avant leur arrivée, disent-
ils , nous avions une assez belle perle pour un couteau, un collier
ou un bameçon, et aujourd’hui pour le même article, nous sommes
obligés de donner 20 ou 3o brasses d’indienne. A cela, on
leur répond : pourquoi y revenez-vous? Votre retour réglé dans
ces pai'ages prouve que, malgré vos plaintes, vos gainssont encore
immenses et que , seulement, vous êtes fâchés qu’on ait appris à
ces naturels à se couvrir et à apprécier la valeur de leur marchandise.
Du reste, ce qui a contribué le plus à renchérir les
perles , c’est la concurrence de ces mêmes capitaines, q u i, pour
accaparer, poussent souvent les enchères un peu haut, circons