m’avoua qu’il était bien aise de me voir parmi ses
nouveaux convertis, afin que je pusse juger par
moi-même s’il n’était pas fidèle aux promesses qu’il
m’avait faites relativement à la conduite qu’il se proposait
de tenir avec les peuples de l’Océanie.
Après avoir répondu à ses honnêtetés et lui avoir
remis la somme qui m’avait été comptée à Yalparaiso
par le père Jean Chrysostôme, je lui adressai quelques
questions sur les naturels dont il me fit l’éloge le plus
complet et le plus touchant. Il les dépeignit comme
des hommes doux, faciles à conduire, pleins d’attentions
et de prévenances pour lui comme pour tous
les missionnaires. D’ailleurs au bout d’une demi-
heure, j’avais pu me convaincre que sa conduite avec
eux était tout-à-fait celle d’un père envers ses
enfants, et à un simple geste du prélat, chacun
d’eux s’empressait de satisfaire ses moindres désirs.
L’heure de son dîner était arrivée, et il nous offrit
d’y prendre part, mais nous le remerciâmes et lui
témoignâmes le désir de faire un tour dans son île.
Pour nous conduire, il nous donna un naturel et un
Français attaché à son service. Nous suivîmes la
bande du nord en marchant sur le bord de la mer, le
long de petits sentiers ombragés contre les ardeurs
du soleil. Là, je retrouvai avec joie ces beaux arbres
de la zone équinoxiale que j’avais jadis contemplés
tout à mon aise, savoir : le Cocotier, le Bananier, les
Pandanus, Artocarpus, Inocarpus, Aleurites, Brous-
sonetia , Barringtonia , Thespesia, Hibiscus , etc.,
qui forment la base ordinaire de ces forêts ; ainsi que
les plantes herbacées qui sont leurs compagnes habituelles.
Du reste, il n’y a qu’une étroite lisière de
terre ombragée et susceptible de quelque culture.
Dès qu’on s’écarte un peu du littoral, le terrain
en pente assez rapide n’est plus couvert que de
hautes graminées appartenant aux genres Saccharum
et Arundo dont les feuilles acérées sur les bords, risquent
de vous déchirer les doigts, tandis qu’un soleil
brûlant vous dévore.
On nous montra une petite source au bord de la
mer, où les navires, nous dit-on, faisaient quelquefois
leur eau. Mais elle n’était ni fraîche ni abondante.
En moins d’une demi-heure, nous arrivâmes sur un
point où l’île réduite à une très-petite largeur, se
traverse sous une arcade naturelle d’où l’on peut
voir la mer des deux côtés. C’est une position vraiment
pittoresque, qui frappa sans doute aussi l’imagination
des naturels, car on nous apprit que cet
endroit était un de leurs lieux sacrés. Sur l’arcade
était une petite esplanade où les prêtres célébraient
leurs cérémonies quelquefois ensanglantées par les
sacrifices humains. Là nous passâmes sur la partie
méridionale de l’île, qui offre l’aspect remarquable
d’une falaise escarpée, tapissée de belles fougères et
bordée par une lisière de terre uniforme, plate et
couverte d’assez beaux arbres qui y entretiennent
une délicieuse fraîcheur.
Cette partie d’Ao-Kena porte le nom d’Ivi-Toua,
qui là, comme à la Nouvelle-Zélande, signifie dos ou
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||g i Acrôt.
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