Comme nous causions ensemble, un naturel est
passé, portant des pastèques. M. Cyprien en prit une
qui se trouva de bonne qualité et elle nous rafraîchit
à propos. Comme nous revenions sur nos pas,
M. Cyprien aperçut une chèvre qui s’était hasardée a
descendre de la montagne avec ses deux petits ; aussitôt
il mit quelques naturels à ses trousses, la mère
allait un peu plus vite qu’eux et se serait facilement
échappée, mais ses deux chevreaux n’avaient pas encore
d’assez bonnes jambes et ils furent promptement
saisis. Alors la pauvre bête entendant leurs cris, s’en
vint en gambadant après les ravisseurs et nous suivit
désormais d’elle-même sans qu’il fût besoin de
lui faire violence. M. Cyprien m’offrit la mère et les
petits, disant que ceux-ci pourraient faire deux rôtis
et que la mère me fournirait du lait. J’acceptai et
les envoyai à bord où toute la famille fut bientôt prise
en grande amitié par les matelots, et je ne pus Ane
résoudre à tuer les deux chevreaux, aussi je dus me
passer du lait de la mère.
M. Cyprien m’assura que le roi étant le propriétaire
né de toutes les terres, les naturels lui en devaient
la récolte. Il avait ainsi le tiers, la moitié et
souvent la totalité de tous les produits qu’il distribuait
ensuite à sa fantaisie. Ses parents seuls étaient
exempts de cette obligation. Jadis ceux qui auraient
refusé de s’y soumettre, auraient couru risque d’être
châtiés sévèrement ou même mis à mort suivant le
cas. Aujourd’hui le roi ne pourrait pas employer
d’autre punition envers les récalcitrants que de les
envoyer à la montagne ou de leur faire couper
la barbe et les cheveux d’une manière ignominieuse.
Le titre de Motire était particulièrement affecté au
roi ; car celui de Aka-riki ou par syncope, Alcarii, lui
était donné par les autres chefs seulement relativement,
de même que celui de Ranga-tira était accordé
à tout individu par ceux qui lui étaient inférieurs.
On m’avait dit que le mal vénérien était fréquent
dans ces îles. Mais M. Cyprien m’a assuré que 8 ou 9
femmes au plus pouvaient en être infectées.
Il me montra le four qu’il a fait établir pour fabriquer
de la chaux en faisant cuire les coraux • la
grande fosse où sont logés un verrat et trois truies,
l’espoir de la génération future de cette race d’animaux,
dont on prend un grand soin en attendant leur
multiplication.
Près de la maison du roi, à 2 mètres au-dessus du
niveau de la mer et à 30 ou 40 mètres du rivage, je
remarquai un gros bloc de basalte enfoncé dans le
sol et qui était en partie couvert de polypiers coralli-
gènes. Comme il est peu probable qu’une masse aussi
considérable ait été transportée à bras d’homme, 011
pourrait attribuer sa situation actuelle à quelque soulèvement.
Du reste, on nous raconta que le 7 novembre
dernier, jour du tremblement de terre qui
détruisit Valdivia, on ressentit ici plusieurs effets de
marée subits et extraordinaires; mais la terre n’éprouva
point de secousse.
Dès ma première promenade je m’étais assuré que