de naissance et originaire de Bruges, qui était venu
s’établir au Chili pour y élever une manufacture de
poudre. Mais n’ayant pas réussi à s’y procurer du salpêtre,
sa spéculation échoua, et il établit une boulangerie
dont le produit, joint à la pratique de la médecine,
lui fournit une existence honnête. C’est un
homme froid et flegmatique, comme la plupart de ses
compatriotes. Il a néanmoins recueilli plusieurs observations
curieuses sur le tremblement de terre de
1835, dont il fît part de la manière la plus obligeante
à plusieurs officiers de l’expédition. Leurs journaux
me fourniront le moyen de les citer *.
De là, nous nous rendîmes chez le padre dm Gil
Calvès, chapelain des religieuses de la Trinité. C’était
un bon vieillard de soixante-quatorze ans, porteur
d’une tête vénérable et tout-à-fait apostolique. Quoique
en train de faire son modeste dîner, il nous accueillit
avec bonté et répondit avec complaisance
aux questions que M. Bardel lui adressa de ma
part.
Au sujet des Araucanos chez lesquels il a résidé
quatorze années de sa vie, il m’a donné les renseignements
suivants. Ces sauvages reconnaissent deux génies
, 1 un du bien, nommé Pïllan, et l’autre du mal,
nommé Goukoubou, et on leur sacrifie quelquefois
des agneaux. Ils n’ont point de prêtres en titre, mais
seulement des sorciers ou espèces de jongleurs qui
paient quelquefois de leur tête leurs prétendus sorti—
léges. Quelques naturels avaient embrassé le christianisme
; mais, en pareil cas, ils sont obligés de quitter
leur pays, car leurs compatriotes ne les laisseraient
pas exercer leur nouvelle religion. Cependant,
ces peuples ne se montrent point hostiles aux Chiliens.
Quand le général Royaliste, après la prise de Concepción
, il y a quinze ou dix-huit ans, força les dames de
la Trinité à quitter cette ville pour se retirer à Valdivia,
elles furent obligées de traverser le territoire des
Araucanos sous la seule escorte du père don Gil. Ces
pieuses filles ne reçurent aucun outrage de la part
des naturels, qui se mettaient à genoux comme elles
quand ils les voyaient faire leurs prières.
Les Araucanos sont singulièrement adonnés à l’ivrognerie
; mais il faut ajouter, pour être juste, que
les Chiliens établis parmi eux ne leur cèdent en rien
sous ce rapport.
A moins d’une longue et étroite intimité, jamais un
sauvage ne souffrira qu’un étranger entre dans sa cabane
; et nonobstant le respect qu’ils portent à la vieillesse,
un père ne se permettrait pas d’entrer dans la
demeure de son fils sans sa permission. Suivant les
rangs des individus, ils ont diverses sortes de saluts,
savoir : l’accolade entière , la poignée de main , le
simple attouchement et même le seul contact des
doigts.
Ces peuples sont de grands harangueurs, et ils débitent
leurs discours sur une espèce de récitatif qui
produit un singulier effet ; d’autant plus que leurs harangues
assez étranges sont assaisonnées à chaque