Pour corroborer ses dépositions, M. Mège envoya
chercher son maître charpentier, qui est en même
.temps le notaire de l’endroit, en un mot, comme auraient
dit nos pères : le plus clerc du village. Ce brave
homme qui ne manque pas de jugement, me confirma
ce que m’avait déjà dit M. Mège. Comme je le
pressais de questions pour obtenir quelques exemples
de soulèvements, il assura qu’il n’en connaissait point,
mais qu’il pensait que le vieux fort entier devait avoir
subi un affaissement, puisqu’autrefois un piéton n’aurait
pas pu atteindre aux Moros (c’est ainsi qu’ils nomment
l’écusson des armes d’Espagne), tandis qu’aujourd’hui
chacun peut le faire aisément sans être
d’une grande taille. A cette raison, je lui objectai que
l’accumulation des galets et des sables autour des
remparts du fort pouvait expliquer ce fait. Il fit à son
tour observer, que jadis la marée haute ne pouvait pas
arriver au pied des murailles, tandis qu’aujourd’hui
elle vient chaque jour baigner leurs bases, et qu’ainsi
il faut admettre l’abaissement du fort lui-même.
Au reste, cet homme n’avait pas eu occasion de
remarquer aux environs, aucun rocher, poteau ou
objet quelconque qui eût changé de niveau d’une manière
sensible. Seulement dans son enclos, un morceau
de terre peu étendu, qui avait jadis environ 2 mètres
d’inclinaison, a été mis de niveau par l’effet du tremblement
de terre, c’est-à-dire qu’une couche de la
surface aurait glissé sur les couches inférieures.
Quand je me dirigeais sur le mouillage de Concep-
cion, je comptais alors m’y procurer à peu de frais
du charbon de terre, comme je l’avais fait jadis sur
la Coquille. Mais à mon arrivée on m’apprit que je ne
devais plus songer à cette ressource, et qu’aujourd’hui
on ne savait pas même où étaient situées ces houillères.
Questionné à ce sujet, mon notaire m’apprit
qu’il en existait deux assez près de Penco. La première,
et c’est à elle que la Coquille fit sa provision
en 1823, n’est qu’à sept ou huit minutes du fort, sur
une petite éminence du village. L’autre, qui donnait
un charbon d’une qualité supérieure, se trouve sur
une pointe entre Penco et Lirquen, et c’est à celle-ci
que puisa Beechey en 1826. Le notaire se rappelait
très-bien ces deux circonstances. Depuis ces époques
on voulut y faire des chargements, mais la matière
prit feu spontanément; cela dégoûta les entrepreneurs
et dès-lors toute exploitation avait cessé.
Je fis remarquer à M. Mège qu’on pourrait obvier à
cet inconvénient par des moyens faciles et peu dispendieux,
et qu’il était surprenant que ce motif eût
fait renoncer à une industrie qui pouvait offrir tant
d’avantages, aussitôt que la navigation à la vapeur
allait s’établir sur les côtes du Chili et du Pérou, ce
qui ne pouvait manquer d’arriver bientôt ; je lui fis
comprendre qu’à sa place je ne laisserais pas échapper
une aussi belle chance de faire fortune. Il me répondit
que les habitants de ce pays "étaient si défiants et si
bornés, que le propriétaire de ce terrain ne rougirait
pas d’en demander 100 et 200 piastres la quadra,
tandis qu’elle valait à peine 2 piastres. Il paraît que
les Chiliens ressemblent beaucoup aux Bédouins de