père de la fille, sans qu’on s’occupe le moins du monde
des dispositions de celle-ci. L’affaire arrangée, le mari
enlève sa future, court les champs deux ou trois jours
avec elle, puis il revient à la porte du beau-père, tue
une jument, traite ses amis, et le mariage est conclu
sans retour. L’adultère est passible de la peine de
mort.
Aujourd’hui, afin de prévenir autant que possible
de nouvelles velléités d’attaque de la part de ces naturels,
le gouvernement entretient chez les diverses
tribus des émissaires sous le titre spécieux de Ami-
gos de la paz. Mais au fond ce sont de véritables espions
chargés de surveiller attentivement les moindres
démarches des divers caciques, et surtout de fomenter
par tous les moyens possibles les germes de discorde
et les petites rivalités qui ne sont que trop fréquentes
entre ces divers chefs, si pointilleux sous le rapport
de la vanité et des prétentions.Ces individus déguisent
d’ordinaire ce honteux rôle sous l’apparence
de colporteurs et de marchands ambulants qui parcourent
les diverses tribus pour leur débiter des liqueurs
fortes ou divers colifichets dont les sauvages
sont fort avides.
Comme nous finissions de dîner, on me remit un
billet de M. Dumoutier qui m’annonçait qu’une petite
baleine de l’espèce hump-back avait été capturée par
les pêcheurs du Rubens, et que le capitaine, M. Roge-
ry, m’attendait le jour suivant à dix heures du matin à
son bord pour la voir dépécer. Je me promis d’aller
assister à cette opération, et je fus charmé d’apprendre
que notre ardent phrénologiste était au moment de
recueillir le but de tous ses voeux, un cerveau de
baleine!
La journée débutant sous les plus brillants auspices,
dès sept heures je me rendis chezM. Bardel pour nous
acheminer vers la baie Saint-Vincent. Il avait tenu une
monture à ma disposition, mais je connaissais ce trajet
qui exige a peine une demi-heure de marche, aussi je
préférai bien des fois le faire à pied. Nous traversâmes
le village, où chaque pas rappelle les traces encore
récentes du terrible tremblement de terre de 1835; lés
rues sont couvertes de décombres et peu de maisons
ont été complètement relevées *. Il en résulte un air de
misère et de désordre qui fait peine à voir au voyageur.
Puis on gravit une espèce de gorge assez escarpée
qui sépare la chaîne de la péninsule de Talcahuano
d’un monticule presque isolé qui commande la place
entière, la route de Concepcion~et la plaine située de
l’autre côté. Le consul des Etats-Unis, M. Delano, a
fait l’acquisition de ce terrain, il a aplani sa crête et y
a élevé une jolie maisonnette, d’où l’on jouit de la vue
la plus ravissante du monde. Le pavillon des Etats-
Unis flotte avec orgueil sur ce monticule et semble
dominer le port, la ville et toutes ses dépendances.
Je né pus m’empêcher d’admirer l’insouciance et
le laisser aller du gouvernement chilien, qui nonobstant
la vanité et la forfanterie qui caractérisent l’esprit
national, a permis à un'étranger de faire l’acqui