peuple, il faut autre chose que des oremus. La première chose
qu’il leur a paru convenable de faire a été d’habiller les femmes ;
ils leur ont campé sur le dos un énorme sarreau qui leur pend
au cou et descend jusqu à la cheville. Cela me rappelle i’histoire
du bon M. Tartuffe ;
Couviez ce i-em ijue je ne set.rois voir.
Ces biaves sauvages, avec leur simple maro, se croyaient tout
aussi pudiques qu un curé avec sa soutane. Pourquoi diable aller
leur fourrer dans la tête des idées biscornues et leur créer des besoins
qu ils n avaient pas? Les bons pères nous ont dit que, quand
ils étaient ai’rivés, ils avaient trouvé la population infectée de
maladie vénérienne. Cela me parut d’autant plus extraordinaire
que tous les navigateurs qui ont visité ces îles se sont accordés à
dire que les femmes ne se livraient pas aux Européens ; ainsi, à
moins que cela ne leur soit tombé du c ie l, je ne vois pas trop où
elles l'auraient prise.
(JM. Danas.y
N o t e 7 0 , p a g e 443.
Aussitôt le déjeuner de l’équipage achevé, tous les officiers se
rendent à terre, à la grande île, avec des intentions différentes.
Pour m oi, je dois gravir la sommité du mont Manga-Reva, pour
y faire de la physique et de la géographie. A notre approche,,
toute la population est en émoi. La plage est bordée de coraux
qui rendent notre abord difficile. Plusieurs naturels se jettent à
l’eau pour venir nous offrir leur secours ; une petite pirogue
vient décharger notre canot, et nous pouvons accoster un petit
môle en pierres sèches fait depuis peu par les habitants. En avant
de ce petit mole se trouve un petit parc où l’on conserve des tortues.
Un petit chemin nous conduit devant la maison du roi de
1 île , q u i, assis gravement et enveloppé dans une capote militaire
bleue, nous reçoit assez bien. Une case en joncs bien bâtie et divisée
en trois compartiments , la compose ; dans deux de ces compartiments
sont des fruits étendus par terre. Dans cet endroit,
il ya un lit et une table. Les fruits sont des bananes, des giromons,
des cocos, des fruits àpains,des patates, etc.Sur le bord dumôle,
nous sommes reçus par deux naturels, tenant une espèce de lance
en bois de fer; probablement pour nous faire honneur. Malgré
l’énvie que j ’ai de gravir promptement la montagne avec le docteur,
qui doit s’occuper d’histoire naturelle, nous craignons d’être obligés
d’attendre que la messe soit dite; car, pour rien au monde, un
naturel chrétien ne consentirait à manquer à ce devoir. Les con-
fessions du jour nous empéchent-de voir le pasleur; enfin le roi
nous accorde un homme qui nous montrera le chemin et descendra
entendre la messe, à, laquelle assisteront plusieurs officiers du
bord. Dégagés de ces superbes bosquets de palmiers et de cocotiers
q u i, mêlés aux arbres à pain, garnissent le bas de la montagne,
nous parvenons aux blocs de lave couverts par les joncs. 11
nous a fallu, pour arriver là , traverser une population d’un millier
d’individus attendant à la porte de l’église, et nous regardant
avec des yeux tout catholiques. Le nom de Français , répété par
toutes les bouchés, annonce que là il y est en vénération. Entre
la partie boisée et nue des flancs de la montagne, une fontaine y
a fixé le lieu de notre déjeûner. Les naturels nous ont quittés pour
se rendre à la messe où les appelle le son de la trompe, et bientôt
nous gravissons la montagne qui, nue et semée de roches a pic,
nous oppose des obstacles nombreux. Nous n’étions point encore
sur le sommet quand les naturels nous rejoignirent. Une goutte
d’eau-de-vie, donnée à l’un d’eux, lui fit faire des grimaces, et, pour
s’ôter ce mauvais goût, il mâcha plusieurs feuilles de pandanus.
Le coeur des feuilles est blanc, de bon goût et très-tendre ; les naturels
le mangent avec plaisir. Cet arbre seul et quelques chênes
marquent la vie à cette hauteur . Les joncs et les fougères couvrent
encore le sol. C’est aussi là, à une trentaine de mètres du sommet,
que les naturels nous montrentles restes des anciennes habitations'