geait une opération facile et prospère. Les amarres
de l’arrière furent filées et nous nous halâmes avec
vigueur sur celles de l’avant, de sorte qu’à trois
heures et demie la besogne fut complètement achevée.
Malheureusement le terrain n’était pas assez incliné
; l’arrière vint à toucher avant que l’avant ne
portât sur le fond. Aussi au plus fort du jusant fûmes-
nous loin d’émerger de toute la quantité nécessaire.
Cependant les calfats plaçèrent cinq feuilles de cuivre,
les charpentiers préparèrent la pièce de l’étrave à
remplacer, et purent en prendre le gabarit exact. A la
marée haute nous nous remîmes à flot et reprîmes nos
amarres, sans que la corvette eût souffert le moins
du monde*.
Comme j’allais me coucher, vers neuf heures du
soir, M. Marescot me remit un pli envoyé par le capitaine
Privât du baleinier le Havre, venant de Valparaíso.
C’était tout simplement un pa'quet pour M. JBar-
del, que M. Privât me priait de lui faire remettre. En
outre, il me suppliait d’empêcher son canot de communiquer
avec la terre, attendu qu’il redoutait des
désertions. Enfin il m’annonçait que M. de Villeneuve
était parti le 5 avril pour Lima, avec sa frégate
Y Andromède. En apprenant cette nouvelle, je me félicitai
vivement d’avoir commencé les travaux; car je
pressentis qu’en l’absence du commandant, aucun des
capitaines français ne prendrait sur lui de quitter le
chef-lieu de la station.
Le matin on se remit de bonne heure à l’oeuvre.
A huit heures la corvette a été de nouveau échouée
par 13 pieds derrière, et 12 pieds 6 pouces de l’avant,
et à moins d’une longueur de navire de terre. Tous
les ouvriers ont travaillé avec activité de onze heures
à deux heures ; alors le flot est venu les forcer à s’arrêter.
Leur besogne était loin cependant d’être terminée
; il fallait donc encore nous échouer une fois.
Mais le vent était silencieux, le calme paraissait si
assuré, que cette fois je me décidai à laisser la corvette
à la côte pour attendre la basse marée de la nuit,
et travailler sur-le-champ aux fanaux. C’est le cas
de faire observer encore une fois combien on s’enhardit
promptement en certaines circonstance ; quelques
jours auparavant, je n’envisageais qu’avec effroi
l’idée d’échouer un bâtiment comme le nôtre dans
une rade où le vent du nord est quelquefois aussi fort
qu’imprévu» Aujourd’hui je le laissais paisiblement
échouer sur la foi des vents.
Vers les onze heures, le consul des Etats-Unis,
M. Delano, est venu nous rendre visite avec le consul
anglais, M. Cuningham. Ce dernier est un homme
d’esprit et de bonnes façons, qui a beaucoup voyagé
et beaucoup vu. Il m’apprend que son gouvernement
est disposé à prendre formellement possession de la
grande île Ikar-na-Mawi, à la Nouvelle-Zélande ;
ce qui ne me surprend en aucune façon, car j’avais
été au contraire fort étonné qu’il ne l’eût pas fait
plus tôt. Sans contredit, ces belles contrées sont
tout-à-fait à sa convenance, et il èn retirera de