tueux. On nous introduisit sur-le-champ, et le gouverneur
vint nous recevoir. C’est un petit homme
d’une cinquantaine d’années, sec, jaune et d’un tempérament
bilieux. Son air est comme sa tournure,
embarrassé, sans dignité, et rien n’annonce en lui
l’homme habitué à l’exercice des hautes fonctions.
Cependant on assure généralement que depuis la mort
de Portalès, c’est la première tête de l’état, et que
de son poste de Yalparaiso il dirige tous les ressorts
du gouvernement chilien. D’abord un peu gêné, il
se mit bientôt plus à son aise, m’adressa quelques
questions sur le but de la campagne, me fit ses offres
de service, et finit par s’engager à me rendre sa visite
dès le lendemain. En un m ot, on trouva qu’il avait
rendu sa réception aussi aimable qu’il était dans sa
nature de pouvoir le faire. Le mot de viage scientifico
avait excité tout son intérêt, et je dois avouer qu’il
avait produit plus d’effet aux yeux de cet homme,
jugé si froid et si dissimulé , qu’aux yeux même de
mes propres collègues.
Dans la salle se trouvait la femme du gouverneur,
jeune personne de trente ans environ, d’une figure
agréable et spirituelle, aux yeux vifs, et d’une constitution
en apparence toute nerveuse. Elle nous considérait
avec une certaine curiosité, et je regrettai de
ne pas mieux savoir l’espagnol, car je vis qu’elle aurait
bien désiré nous adresser quelques paroles.
Après avoir pris congé du gouverneur, je me fis
conduire par M. Cazotte au couvent des Cordeliers,
qui sert d’entrepôt à nos missionnaires de Picpus. Je
fus reçu par le préfet apostolique, le père Jean Chri-
sostôme Liausou, et un des moines de la maison. Ils
parurent très-reconnaissans de mes avances de politesse,
et surtout de l’offre que je leur fis de me charger
de leurs commissions et de leurs paquets pour les
missionnaires français établis à Gambier. C’est bien
M. Rochôuze, évêque de Nilopolis, qui est à la tête
de ceux-ci.
Quant aux questions que je leur adressai touchant
la mission que dirige M. Pompalier, évêque de Ma-
ronée, les deux abbés disaient qu’ils le croyaient
maintenant établi à l’île Ascension dans les Carolines ;
ce nom m’était inconnu, et quand je les priai de me
la désigner sur la carte de l’Océanie, ils ne purent pas
me la montrer ; mais d’après le point où ils mirent le
doigt, je pensai que ce devait être l’île de Ualan ou
de Pounipet.
M. du Petit-Thouars, commandant de la Vénus,
s’était chargé de deux missionnaires pour les porter
sur les îles Marquisès ou Nouka-Hiva.
Deux autres missionnaires français avaient tenté
de s’établir sur Taïti, mais les intrigues des méthodistes
leur avaient attiré les persécutions des naturels
qui avaient fini par les expulser. J’appris avec plaisir
que M. Moerenhout, quoique étranger, les avait généreusement
pris sous sa protection, ce qui lui avait
valu quelques désagréments de la part des Anglais et
des Américains.
Je reconduisis M. Cazotte chez lui, puis je repris le
chemin du bord, où je fus de retour vers cinq heures,