furent convoques pour délibérer sur les mesures à
prendre en cette occasion.
Les avis furent partagés. Quelques-uns voulaient
que les catholiques fussent admis à discuter publiquement
leurs doctrines avec les Anglais, afin que chacun
pût juger les deux causes et adopter celle qui lui
conviendrait le mieux. Pritchard ne put admettre de
sang-froid l’idée seule d’une pareille épreuve. En
effet, c’eût été la ruine immédiate de son influence
et de la mission tout entière. Les cérémonies catholiques
avec leur prestige et leur pompe, aux yeux des
naturels, 1 eussent bien vite emporté sur la sécheresse
l’aridité du rite protestant. Qu’on joigne à cela les
cruautés, les tortures et l’espèce d’inquisition établie
par les Anglais, et l’on concevra que les naturels auraient
saisi avec ardeur l’occasion d’échapper au joug
de gens qui, sous le masque de la religion, sont devenus
pour eux des oppresseurs et des espèces de
vampires.
Aussi Pritchard fit valoir près des juges l’impuissance
de la France et la vengeance de l’Angleterre
prête à fondre sur Taïti. Il renouvela ses menaces et
ses invectives contre les catholiques. Bref, il réussit
à obtenir la sentence du renvoi immédiat des
hommes dont il redoutait si vivement la concurrence.
Jusquàce moment, toute honteuse, toute inexcusable
qu était la conduite des Anglais, on doit convenir
qu ils étaient au moins dans leur droit. Dans
la crainte de voir des intrus leur enlever le domaine
qu’ils exploitaient fructueusement et paisiblement
depuis vingt ans environ, ils avaient usé
de leur influence sur les naturels pour se débarrasser
dès étrangers, et ils pouvaient se retrancher
dans le motif que ceux-ci étaient bien les maîtres
chez eux.
Mais Pritchard, dont l’arrogance et l’exigence s’accrurent
par le succès qu’il avait obtenu dans cette
affaire, ne connut plus de bornes et ne garda plus de
mesures. Les deux prêtres catholiques avaient été accueillis
par M. Moerenhout, Belge établi à Taïti pour
le commercé des perles et qui avait été nommé, par
les Etats-Unis, le représentant de cette république. Il
faut observer qu’en cette circonstance la conduite de
M. Moerenhout était d’autant plus honorable qu il
compromettait ses intérêts vis-à-vis des Etats-Unis,
car il était probable que les missionnaires américains,
prenant fait et cause pour leurs coreligionnaires les
Anglais, finiraient par lui devenir hostiles et lui fe-
raient tout le mal qu’ils pourraient.
Les deux catholiques s’étaient donc retirés dans
une case que M. Moerenhout avait mise à leur disposition,
où ils disaient paisiblement leur messe et leurs
prières. La sentence rendue par le conseil des chefs
leur fut signifiée, et il leur fut intimé d’avoir a
quitter l’île sur-le-champ. Cédant à la force, ils répondirent
qu’ils étaient prêts à se soumettre à cette
injonction; mais ils demandaient du temps pour
attendre le départ d’un navire qui pût les conduire a
Manga-Reva, ou du moins à Valparaiso : s’engageant