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dans les bas-fonds. La mer, qui d’abord occupa ce terrain, s’étant
retirée, la pluie et les eaux des montagnes voisines ont amené
dans ces derniers de la terre végétale, d’où peu à peu se sont élevées
des bruyères, puis des arbrisseaux, puis ensuite des arbi’es
de i 4o à i 5o pieds de hauteur. Les chaussées sur lesquelles l’eau
ne séjournait pas ont été parfaitement séchées par les vents, et la
faible végétation qu’on y remarque ne produit que de maigres
pâturages.
Après avoir galopé environ une heure, nous nous trouvâmes
sur les rives du Carampangue. Nous en remontâmes le cours pendant
près d’une lieue pour trouver un gué. Cette rivière est profonde
à son embouchure, et peut facilement faire remonter
des goélettes de 4o à 60 tonneaux jusqu’à deux lieues de la mer.
Pendant ce trajet, nous apercevions de distance en distance, sur
la rive opposée, des gi’oupes d’indiens qui nous attendaient à
l’ombre des bois de pommiers qui bordent cette jolie rivière.
Ces petites troupes étaient des espèces de postes avancés placés
par les chefs des différentes tribus pour annoncer l’arrivée de l’intendant.
Nous traversâmes la rivière et passâmes devant eux ; au
fur et à mesure qu’ils nous avaient reconnus, les uns s’échappaient
au galop et les autres, après nous avoir salués à leur manière, se
formaient derrière nous comme pour faire partie de notre escorte.
A environ une demi-lieue de là, nous vîmes arriver à cheval
les autorités d’Arauco. Plus loin était formée en bataille la cavalerie
des milices de l’arrondissement, armée de lances comme celles
des Indiens. En face et sur une seule ligne, étaient les mosatones
des caciques. Ceux-ci s’avancèrent par petites troupes et furent
présentés à l’intendant par Udaferi, lieutenant du cacique gouverneur,
parce que leur chef était malade.
Cette céi'émonie ne nous arrêtait pas ; et le salut fait, chaque
prince et sa suite se rangeaient sur les côtés ou derrière, et nous
accompagnaient. Nous nous trouvâmes bientôt, de cette manière,
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réunis près de 600 hommes, dont la bigarrure avait quelque
chose d’étrange. En première ligne figuraient l’intendant, nous,
les officiers et les caciques. Derrière venaient les Indiens, les
guaços et les milices, affublées d'uniformes et d’immenses bonnets
pointus. Parmi les caciques, quelques-uns avaient de mauvais
chapeaux de feutre garnis de plumes et de rubans de différentes
couleurs. Enfin le plus grand nombre n’avait qu’un ruban autour
de la tête, et portait leur grande chevelure noire flottant au gré
des vents. Plusieurs étaient nus jusqu’à la ceinture. Nous nous
occupions, M. Rouse et moi, à les examiner, et surtout à nous
amuser de l’étoïKiement que leur causaient les lunettes de cet ami,
lorsqu’un cri d’indiens parti de toutes parts donna le signal du
galop que nous prîmes tous en même temps. Ce n’était pas une
petite affaire que de se voir galopant au milieu de tous ces gaillards
là ; il y avait chance d’être heurté de manière à perdre l’équilibre,
ou à ce que, le cheval venant à tomber, tous les autres
vous passassent dessus. Nous ne laissions pas, M. Rouse et moi,
de faire ces réflexions ; mais comment en sortir ? il fallut bien
suivre. De cette manière, nous nous trouvâmes bientôt transportés
devant une espèce de grange construite en dehors des remparts.
C’était là que les princes araucaniens avaient établi leur
cour; c’était là que M. Antinahuel, cacique gouverneur des Indiens
d’Arauco, était étendu sur une natte, par suite d’un coup
de corne qui lui avait un peu chagriné les côtes. Nous étions
tous conduits là pour le saluer, et voici’comment nous nous y
prîmes. A peine arrivés vis-à-vis l’entrée de ce palais, les Indiens
recommencèrent leurs cris. A ce signal, nous fûmes enlevés de
nouveau au grand galop, avec un peu plus de confusion, et fîmes
ainsi trois fois le tour de leur habitation, au milieu d’un nuage
de poussière, au son le plus fort de leurs cornemuses et de leurs
effroyables cris. Tout se termina cependant sans autre accident
que la chute d’un Indien par-dessus lequel nous passâmes en ne
lui brisant qu’une ou deux côtes. Cette fois, nous nous dirigeâmes