hurlements devrais sauvages; on m’assure que ce sont
des cris de viva la patria! viva el Chili! Dieu les
assiste !
En descendant à terre pour faire ma promenade
habituelle, je me suis amusé à considérer un moment
les groupes formés par ces braves défenseurs du
Chili. Les soldats sont très-mal tenus, et en général
porteurs de faces ignobles. Les officiers ont un air
rodomont et affectent une tenue riche et recherchée,
mais du plus mauvais goût ; ce qui leur donne l’air de
vrais bravaches*. Plus on est à portée d’examiner cette
population, plus on parvient à se convaincre qu’elle a
besoin d’être en partie régénérée par le mélange d’une
autre race, avant de pouvoir aspirer à devenir une
vraie nation. Je me rappelais, il est vrai, les défenseurs
du Pérou, que j’avais vus en 1823, ramas de
brigands, de vagabonds et de mendiants, et j’en concluais
qu’au reste les Chiliens pouvaient bien tenir
tète aux Péruviens.
Tous les travaux importants étant à peu près terminés
, j’avais invité MM. Delano, Cuningham et Bar-
del, à partager mon modeste déjeûner, auxquels se
sont joints MM. Jacquinot, Roquemaurel et Marescot.
J’ai profité de cette réunion pour saluer le pavillon
des deux consuls anglais et américain, au moment
où je proposais des toasts à leur santé.
M. Renouf, capitaine du navire baleinier le Cour-
rier-des-Indes, qui a mouillé ce matin sur la rade ,
m’a rendu sa visite. Comme il m’a paru un marin intelligent
, et qu’il m’a dit avoir fait plusieurs voyages
à la pêche dans la mer du Nord, je me suis plu à le
questionner et en ai tiré les renseignements suivants
f *
Renouf m’affirma qu’il s’était avancé, dans l’été de
1831, sur Y étoile polaire, au nord du Spitzberg, jusque
par 8103(y au bord même de la banquise. Là, elle
ne présentait que des glaçons plats et en général peu
élevés. On y vit peu de baleines, mais on y prit près
de deux mille phoques à huile, dont la fourrure peu
estimée ne vaut que 2 francs 50 centimes pièce. On
prit aussi beaucoup d’ours blancs dont la chair est
huileuse et a le goût de poisson.
Renouf a fait la pêche dans la baie de Baffin, et s’est
avancé presque jusqu’au détroit de Lancastre. Il arriva
qu’une année, sur quatre-vingts navires occupés
à la pêche, vingt-et-un furent pris entre les glaces,
écrasés et coulés à fond. Ces accidents ont lieu quand
des glaces mobiles sont chassées par des courants
contre les glaces qui ont pris fond, c’est-à-dire dont la
base est fixée au fond de la mer. La perte des navires
est alors inévitable et presque immédiate, et les équipages
se préparent à se sauver dans les canots. Quelquefois,
au lieu de sombrer, il arrive que le navire
monte sur les glaçons, il lui reste alors quelques
chances de salut. Au surplus, il périt généralement
peu de monde par l’effet de ces accidents , attendu
que la mer est habituellement calme, et les matelots
peuvent se sauver sur d’autres navires.