lique de la Polynésie. A lui donc la gloire de rendre cette partie
du monde catholique, apostolique et romaine. Tout cela peut
être admirable pour de vrais croyants ; mais moi, je trouve qu’on
aurait beaucoup mieux fait d’apprendre à ces gens-là à cultiver
leurs terres et se servir de leurs mains, qu’à faire toutes les mo~
meries de notre sainte religion. Du reste, nous serons bientôt à
même de voir ce qu’ont fait les missionnaires.
( il/. Demas. )
N o t e 6 2 , p a g e i 33.
M. de Latour nous donna les meilleures nouvelles de la mission.
Arrivé lui-même depuis un an à la suite de l’évéque, qu’il a
accompagné volontairement et dans l’intention de participer aux
oeuvres de la mission , il a trouvé les habitants convertis par les
deux missionnaires qui ont débarqué en 1834 > sur Lifo Ao-Kena.
Ils avaient couru plusieurs fois des dangers pendant les premiers
temps de leur arrivée. Une fois, ils furent obligés de grimper au
sommet des montagnes de la grânde île, pour se cacher dans les
roseaux. Une conspiration contre leur vie avait été ourdie parmi
les naturels réfractaires et méfiants. Ils disaient hautement aux
néophytes : « Ces étrangers sont perfides ; les blancs sont traîtres;
ils vous trompent en se montrant doux et bienveillants; mais, plus
tard, ils vous feront du mal et vous mangeront. » Une fois le
premier mouvement calmé, les missionnaires redescendirent de
la montagne, e t , depuis cette époque, ils n’ont plus rencontré
de grandes difficultés. « Aujourd’hui, continue M. de Latour,
la paix et l’union régnent parmi les naturels ; les mariages s’accomplissent
régulièrement; la messe est suivie avec assiduité;
les enfants vont à l’école. Bien peu d’individus croient encore à
leurs anciennes superstitions. »■
Cinq naturels ont conduit M. de Latour à bord. Ils sont tous
vêtus d’habits européens qu’ils ont acquis des pêcheurs de perles
qui fréquentent ces îles. Ces hommes, ainsi travestis , ont une
belle stature, et tout annonce chez eux une grande vigueur jointe
à une robuste santé. Leur teint est cuivré, leurs cheveux longs
et plats , lorsqu’ils ne sont pas coupés ras , d’après l’insinuation
des missionnaires. Leurs traits sont fortement prononcés, surtout
la mâchoire inférieure, qui élargit considérablement leur
figure. Gais et riants, ils se prêtent à .toutes les exigences des curieux
; ils se laissent dessiner, examiner, questionner avec la plus
grande complaisance. Un d’eux se laissa mouler en plâtre par
M. Dupioutier. Une humeur et un caractère si différents de la
réputation de férocité et de turbulence qu ils avaient acquise dans
leurs rapports avec les Européens , prouvent qu on les avait bien
mal jugés, ou que les efforts des missionnaires ont eu un succès
digne de louanges. Ce ne sont plus les sauvages hostiles de Bee-
chey ; doux et tranquilles maintenant, on peut en toute sûreté
s’aventurer au milieu d’eux. Le souvenir du passage du capitaine
anglais est encore bien vif parmi eux. On leur montra la gravure
du combat qu’ils lui livrèrent, et on leur en expliqua le sujet. Ils
s’animaient subitement en voyant cette gravure, et tous les cinq
à la fois, parlant et gesticulant, semblaient se défendre d’une
telle accusation et rejeter les ’premiers torts sur les étrangers..
M. de Latour traduisait quelques-unes de leurs paroles; elles-,
étaient empreintes du souvenir de cet événement, comme s il
avait eu lieu la veille. Un de ces naturels portait sur les épaules
un tatouage simulant des épaulettes. M. de Latour nous dit
qu’un grand nombre des naturels portait ces marques commémoratives
du passage des officiers anglais. Dans cette affaire, un
seul homme fut tué et un autre blessé.
(M. Desgraz.')