27.
28.
Un conseil de justice se tient à bord pour juger deux
hommes accusés d’avoir manqué à leurs supérieurs.
Les prévenus sont condamnés l’un à la cale, et l’autre
à cinq jours de fer sur le pont. Je commue la peine du
premier en celle de douze coups de corde au cabestan.
J’aurais vivement désiré que la punition de ces deux
hommes se fût bornée à quelques jours de fers, attendu
qu’en des campagnes de cette nature, il faut plus
d’indulgence que dans le service purement militaire,
mais je fus obligé de céder aux exigences de MM. les
officiers qui alléguaient le grand mot de discipline. Il
en résulta que l’un de ces hommes, nommé Brasker,
déserta peu de jours après, tandis que je l’aurais conservé
en suivant ma manière de voir.
Le capitaine Privât vint me porter une plainte
contre son second, coupable de désobéissance formelle.
Je fis une mercuriale sévère à cet homme, et
l’envoyai aux fers, à bord de Y Astrolabe, jusqu’à ce
que son capitaine le réclamât.
Le temps se gâte, le vent souffle assez fort du N.,
accompagné de rafales et d’une pluie abondante qui
dure toute la journée et la nuit suivante. Mais dans
la matinée du 28, le ciel s’embellit et lèvent s’apaise.
Les travaux du gréement et l’embarquement de l’eau
sont repris avec activité.
Dans l’après-midi, j’allai faire ma promenade solitaire
et accoutumée sur les hauteurs de Talcahuano ;
après avoir récolté quelques coquilles dans les feuilles
acérées des Agave et admiré les jolis Colibris, aspirant
le suc des Loranthus et des Lapageria, je fis la rencontre
d’un pauvre paysan, habitant de ces lieux et
avec qui j’entamai la conversation le mieux que je
pus. Il me conduisit dans sa cabane, véritable taudis
d’environ 4 mètres de long sur 2 de large, où
logeaient tout ensemble et pêle-mêle cet homme, ses
deux filles, ses chèvres, ses dindons, ses canards et
ses poules. Tout dans cet antre respirait la plus profonde
misère, le plus grand dénuement et la plus hideuse
malpropreté. Je ne fis qu’y mettre le nez sans
oser m’y arrêter dans la crainte d’en rapporter d’autres
hôtes qui semblaient y pulluler. Un petit enclos
avec quelques choux, des oignons et d’autres légumes
servaient de jardin à ce gîte. Aussitôt je me rappelai
que les cases des moindres Mataboulés de Tonga auraient
été de véritables palais en comparaison de ce
misérable chenil*.
Pour passer le temps, je lui demandai le prix de
ses volailles, et il me dit qu’il me vendrait ses dindons
(pavos) quatre réaux, ses poules (gallinas) trois, et ses
canards (patos) deux et demi; c’était à peu près le
prix qu’on les vendait au marché de Talcahuano, et si
j’avais eu quelqu’un pour les emporter, je lui aurais
donné volontiers la préférence pour ma provision.
Mais j’étais seul et je lui fis mes adieux après avoir
donné à ses deux filles 4- ou 5 réaux qui me valurent
toutes leurs bénédictions. L’aînée, Maria, dans un
élan de reconnaissance, sauta sur un petit poulet qui
pouvait valoir un medio, six sols, pour me l’offrir. Je