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portés dans une vallée au bas de la montagne, où M. Alemporte
a formé un très-bel établissement. C’était là que nous devions
passer la nuit,et nous y fûmes parfaitement reçus par M. Gloen,
Ecossais, associé et directeur de cet établissement.
Cette entrepi'ise paraît montée sur une grande échelle. Déjà
une machine à scier des planches présente de beaux résultats;
on en installe une autre qui fera jouer 16 scies à la fois ; ainsi
dans quelque temps , il y aura 24 scies en mouvement jour et
nuit. En même temps , le même cours d’eau devra servir de moteur
à un moulin capable de moudre et de bluter cent fanègues
de blé par jour .„On construit en ce moment un mole dans le port
pour faciliter l’embarquement des farines et du bois ; un chemin
de onze lieues de long, percé au travers des montagnes, établira
une communication entre la mer et le Bio-bio, et servira à l’arrivage
des grains de Colima. Il y a deux ans, cette vallée était déserte
et couverte de grands arbres. Aujourd’hui elle est peuplée
déjà d’une centaine de familles, et des bâtiments bien construits,
des chaumières , des hangars, des champs cultivés ont pris la
place des bois.
M. Alemporte, qui est bien capable de comprendre tout l’avantage
qu’il peut tirer de cet établissement, y attire le plus d’habitants
et surtout le plus d’étrangers possible. Déjà deux de nos compatriotes
viennent de s’y établir dans l’intention d’y fabriquer quelques
produits chimiques. Ils y construisent aussi un navire de
i 5o tonneaux. Une maison anglaise de Cesquinabe a fait explorer
les mines de charbon de terre ; elle aurait l’intention de faire
transporter le métal de cuivre brut des mines du nord pour former
des fonderies à Colima. Enfin M. Alemporte a obtenu que ce
port fût ouvert au commerce et y a installé une douane. Déjà
deux navires en sont partis chargés de bois. *
Le lendemain de notre arrivée, nous montâmes à cheval de très-
bonne heure etfûmes nous promener dans les environs, c est-a-dire
clans les environs de la baie ; car les arbres sent si serrés qu il nous
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était impossible de pénétrer en dehors des chemins déjà tracés.
L’établissement est monté de plus de bois qu’il n’en pourra expédier
en dix ans , et bien qu’il devienne nécessaire dans la suite
de faire venir les plus gros troncs d’arbres d’une grande distance,
les chemins que l’on construit et des trinqueballes d’une
grande dimension faciliteront cette opération. M. Alemporte m’a
dit qu’il avait dépensé pour cette entreprise près de 36,000 fr.,
et qu’il pensait que pour la mettre sur le pied qu’il se proposait,
il n’irait pas loin de 60,000 fr.
La province de Concepcion possède déjà plusieurs établissements
de ce genre, bien que moins considérables; entre autres
celui de M. Delaunay de Saint-Malo, qui travaille avec beaucoup
d’espoir cio succès. On y compte encore six moulins à farine à
l’instar de ceux de l’Amérique du nord. Les plus importants appartiennent
à MM. Liferach etBurdon, Smith et Wolfard.
Le 2 mars, après déjeûner, nous nous remîmes en route. Nous
passâmes d’abord la montagne nommée Villagran par les Espagnols,.
etMarihuena par les indigènes. C’est là où lecélèbre Val-
divia , après avoir été repoussé plusieurs fois par Campuleean,
vit le terme de ses conquêtes et de sa vie.
Le chemin que nous parcourûmes se compose, comme depuis
Coronal, de montagnes et des plages de différentes baies jusqu’à
une petite rivière appelée la Raqueti. Après l’avoir traversée à
pied, nous nous trouvâmes sur une espèce de plate-forme décrivant
un demi-cercle. De ce point partaient dix rayons de bois
de haute-futaie dont les intervalles formaient de belles vallées,
larges de plus de deux lieues et tirées au cordeau. Toutes
aboutissaient à une rivière nommée Carampangue (refuge de
lions), et présentant une vue très-pittoresque. Au premier coup
d’oeil, on serait tenté de croire que cette espèce dépare est un effet
de l’art ; mais il est facile de reconnaître que cette singulière distribution
est l’ouvrage de la nature des vents. Le milieu des allées
est formé de chaussées, et les arbres qui les séparent se trouvent.