162 VOYAGE A18o3û8t. ' ment àx sa dignité ecclésiastique f mais encore à
l’homme charitable et désintéressé qui se voue d’une
manière si honorable au bien-être des naturels qu’il
a pris sous sa tutelle *.
A peine était-il parti que je reçus la visite du capitaine
Rugg qui, après les compliments d’usage, me
pria de lui céder un peu de fil pour réparer ses voiles
qui étaient très-maltraitées parle vent, attendu qu’il
lui serait impossible de s’en procurer dans le reste de
son voyage; je lui en fis délivrer 4 livres, à titre
gratuit. Il m’apprit qu’il avait passé deux jours devant
l’île de Pâques, mais sans pouvoir y accoster, à cause
des vents du S. 0. Neuf naturels étaient venus à son
bord avec de simples planches qui leur servaient à se
soutenir sur l’eau jusqu’à la distance de quatre ou
cinq milles. Us ressemblaient à de véritables phoques
et nageaient presque aussi facilement. Du bord on a
aperçu les naturels réunis sur la plage presque au
nombre de mille ; on a aussi distingué des plantations
régulières et bien alignées, enfin des espèces de
masses pyramidales en pierres, sans doute les restes
des colosses mentionnés par Cook et Lapérouse, et
dont les tètes avaient peut-être été abattues**. Rugg
part dans quelques jours pour Rapa où il efnmène Ja-
cobs. Celui-ci commence à craindre qu’un petit navire
qu’il a expédié il y a déjà longtemps dans cette île, et
qui n a point reparu, n’ait été saisi et pillé par les ha-1
* Noie 84.
"N o t e 85.
bilants, en représailles des mauvais traitements que le
capitaine s’était permis à leur égard. Il ira ensuite à
Taïti et de là reviendra à Manga-Reva.
Dans la soirée, le vent a passé au nord et il est descendu
de petites rafales des flancs de la montagne. Il
en est résulté que le navire a rappelé sur son ancre
de toute la longueur de la chaîne, dans une direction
nouvelle. A dix heures, nous avons tout à coup senti
des secousses assez fortes qui m’ont fait soupçonner
que la corvette talonnait sur le banc de deux brasses
indiqué sur le plan de Reechey et que je n’avais pas
encore pu découvrir. Sur-le-champ, le branle-bas eut
lieu, l’ancre fut relevée et au moyen du grand foc
seulement, au bout d une demi—heure, nous étions
remouillés à deux encâblures plus à l’ouest, par
quinze brasses et parfaitement en sûreté. L’étendue
de ce petit banc de coraux fut trouvée de cinquante
brasses environ.
Guillou etMarion étaient venus à bord dans la matinée;
je leur fis cadeau de quelques étoffes pour leurs
femmes, et j’adressai plusieurs questions au dernier.
Il avait passé trois ans au service du capitaine
Bureau, avec lequel il se trouvait très-bien et qu’il
me vanta comme un excellent marin, et comme un
homme généreux et affable envers les sauvages. Personne,
ajouta-t-il, ne pouvait soupçonner le motif
pour lequel ceux-ci l’avaient tué à Pao, et il pensait
qu’ils n’avaient été poussés à ce crime que par le
désir de piller son navire. Celui-ci fut acheté par un
Américain qui arriva le surlendemain, mais après