1838.
3 août.
CHAPITRE XXI.
Séjour aux îles Manga-Reva.
Le vent ayant passe a l’O. S. 0. et S. 0. avec des
rafales, des grains de pluie et un peu de mer, je ne
jugeai pas à propos de bouger de place et je filai au
contraire jusqu à soixante-dix brasses de chaîne pour
assurer notre tenue*. L’équipage pécha à la ligne et
prit beaucoup de poisson, surtout à bord de la Zélée
Comme j étais impatient de substituer ces vivres frais
à ma diète habituelle, je me fis servir pour mon dîner
un de ces poissons, bien que les naturels eussent
observé qu’il était mâuvais à manger. Mais je fus
bientôt puni d’avoir méprisé leur avis. En effet, je ne
tardai pas à éprouver un violent mal de tête avec des
maux d estomac et des nausées. MM. Roquemaurel et
Demas furent aussi indisposés. Il est donc constant
que cette espèce est au moins quelquefois dangereuse.
Heureusement on en eut pris bientôt d’une autre qui
ne fit pas le moindre mal.
Le vent ayant fraîchi au S. 0. dans la nuit, a soulevé
la mer, et le matin nous l’avons vue briser dans
toute l’étendue de la zone que nous avons dû traverser
avant hier. Bien que le temps fût loin d’être
au beau, le vent ayant beaucoup diminué, vers huit
heures je me décidai à lever l’ancre pour courir
des bordées. Durant près de deux heures les risées
furent si irrégulières et si peu favorables, que loin de
pouvoir avancer, nous perdîmes près d’un mille sous
le vent, tandis que la Zélée, avantagée par ces mêmes
variations, s’avancait triomphante dans la baie.
Enfin vers midi un petit Souffle adonnant jusqu’au
S. S. 0., m’avait permis de me relever et de doubler
la pointe d’Aka-marou, quand une acalmie vint nous
surprendre à deux encâblures des roches de la côte.
Je songeais déjà à laisser tomber l’ancre dans cette
mauvaise position, ce qui m’eût bien contrarié,
quand se ranimant, le vent enfla de nouveau nos
voiles; je pus gouverner et rallier la ligne de direction
qui joint les deux pointes est de la principale île
de Manga-Reva. Ensuite, laissant porter dans cet alignement
et veillant attentivement à la couleur de l’eau
sur la route, je pus atteindre le mouillage qu’occupa
Beechey, où je laissai tomber l’ancre par quinze brasses
fond de corail.
Comme je l’ai déjà dit, le capitaine Jacquinot,
mieux favorisé par le vent, avait pu doubler sans
peine Aka-marou et s’avancer dans la baie, où il avait