chitecture de Manga-Reva, a été percée pour que l’honnête Guil-
lou puisse voir à son réveil le vert feuillage et entendre le chant
des oiseaux. Une natte légère installée en persienne, permet de
diminuer cette ouverture ou de la fermer tout-à-fait à l’indiscrétion
des voisins. Ce matelot a oublié sans doute de percer à
l’autre côté de sa demeure une petite ouverture qui lui permettrait
de voir la mer. Deux cloisons divisent la case en une antichambre,
en une chambre à coucher et une dépendance ou magasin
. La cuisine, renvoyée du logis, est campée en plein air, n’ayant
qu’un petit appentis pour la protéger. Auprès de là est un chantier
de construction où le matelot qui n’a pas encore dit un
adieu définitif au perfide élément, passe ses loisirs à charpenter
un canot. Nous sommes heureux de trouver ici les moyens de
remplacer la pirogue de l’évêque.
(M . RoquemaureL)
Note 6g , page 14 2 .
Au milieu de la foule était un missionnaire; nous allâmes le
saluer, et je ne pus m’empêcher de lui faire compliment sur ses
ouailles. Il nous présenta le roi en personne, Sa Majesté Mapou-
teoa. C’est un gros garçon d’une trentaine d’années , à l’air épais.
Il portait une magnifique redingote bleue trouée aux coudes et
sans boutons , un pantalon qui lui venait à mi-jambe, et tenait
à la main un vaste chapeau de paille. C’est le premier souverain
qui ait jamais mis chapeau bas devant deux lieutenants de vaisseau.
Aussi lui dîmes-nous tout de suite : Couvrez-vous, s’il
vous plaît. Sa Majesté daigna nous accompagner une centaine de
pas, et nous partîmes flanqués d’une ceinture de singes qui gambadaient
autour de nous, criant bonjour à tue-tête et venant de
temps à autre nous donner la poignée de main de rigueur. Plus
nous allions, plus la foule augmentait; c’était à qui nous fêterait
le mieux. J’avais une soif ardente : je n’eus qu’à montrer un
cocotier ; on m’apporta aussitôt deux ou trois frui(s dépouillés'
de leur écorce. Le grand-prêtre, oncle du roi, vint nous recevoir
comme nous passions devant sa case. C’est un beau vieillard,
et l’homme le plus grand que j ’aie encoi’e vu. Du reste, la chute
de ses dieux ne l’a pas fait maigrir ; il est énorme. I c i, nouvelles
poignées de main ; mais je ne donne celles-ci que du bout des
doigts, attendu que j’ai cru m’apercevoir que Son Altesse Royale
avait la gale.
Au lieu indiqué pour l’aiguade , nous ne trouvâmes qu’un
mauvais filet d’eau ; d’ailleur6 , il n’y a pas assez de fond pour la
chaloupe. Nous n’avions pas le temps de parcourir l’île ; nous
revînmes à notre embarcation , respirant par tous les pores le
bon air de terre et marchant paisiblement à l’ombre d’un bois
d’arbres à pain. Il faut avoir soixante jours de mer, avoir été
pendant soixante jours balloté dans une espèce de caisse flottante,
pour jouir avec délices du plus chétif coin de terre ; et ici nous
trouvions une belle et riche nature et de bons habitants, hommes
s’entend, car je n’ai vu que deux ou trois vieilles femmes qui nous
sautaient au cou. Les missionnaires ont probablement fait la leçon
au beau sexe; ils lui auront dit que le mai-in est perfide et
trompeur. 11 faut qu’il y ait quelque chose comme cela ; car, par
tous pays , les femmes sont curieuses, et nous devons être pour
ces gens-là des o is e a u x assez rares. C e seraitdur cependant, car on
les dit charmantes. En entrant sur le môle, nous trouvâmes le canot
chargé, à couler bas, de cocos, de bananes, d ignames et de patates
douces. C’était un cadeau du roi. Nous remerciâmes Sa Majesté, èt
partîmes au milieu d’un concert prodigieux de bonjour, comment
vous portez-vous , bien et vous. C’est tout le français que les missionnaires
ont pu leur fourrer dans la tête ; aussi s en donnent-
ils à coeur-joie. A six heures, nous arrivâmes à bord enchantés de
notre course.
Je n’ai encore vu que MM. Guillemard et Cyprien , et au total
ils m’ont paru au-dessous de leur mission. Pour civiliser un