i.
sous le prétexte d’humanité, persistait à dire que le
mal existait toujours chez ces hommes, prêt à reparaître
au premier moment, et à sévir avec plus de
force que jamais. Ces prédictions imprudentes qu’il
affectait de répéter hautement me contrariaient beaucoup
, ainsi que M. le capitaine Jacquinot, et je fus
obligé de donner l’ordre positif à ce médecin de garder
par devers lui ses opinions fâcheuses, sans leur donner
une dangereuse publicité. Pour un homme dans sa
position, auquel une semblable campagne ouvrait une
carrière si honorable, j’avais peine alors à m’expliquer
une conduite si bizarre. J’ignorais encore que ce
chirurgien en avait déjà assez du voyage, et qu’il voulait
m’amener à renvoyer la Zélée en France. De
là date la première origine des griefs qui le poussèrent
à de si inconcevables récriminations envers ses
chefs.
M. Dumoutier, qui est allé à Concepción, n’a pu
palper la tête des Araucanos, et a été réduit au supplice
de Tantale. Pour des motifs de superstition, aucun
d’eux, ni homme, ni femme, n’a voulu permettre
au zélé phrénologiste de porter des doigts scrutateurs
sur les parties diverses de son crâne *.
Le chef de timonnerie Kosman, qui observait ce
matin sous le fort Galvez, a ressenti, dans l’après-
midi , deux secousses de tremblement de terre assez
fortes. Quarante minutes auparavant, la mer avait subitement
monté de 8 décimètres ; mais à l’instant
même des secousses, on ne remarqua rien. La même
commotion fut sentie par le capitaine d’armes sur la
route de la ville, et par d’autres personnes, tant à
Concepcion qu’à Talcahuano.
Les volailles passant pour être à meilleur compte
à Tomé, je permets à la chaloupe de la Zélée de s’y
rendre avec tous les maîtres-d’hôtel, pour y faire les
provisions des diverses tables.
Elle ne revient que le jour suivant, vers une heure
après midi; la volaille s’est trouvée, à Tomé, à peu
près au même prix qu’à Talcahuano ; mais on a eu
l’avantage de s’en procurer une quantité suffisante. Il
y eut quelque bénéfice sur les cochons.
Quand les habitants de Tomé virent arriver notre
chaloupe, ils s’imaginèrent que c’était un canot du
Monte-Agudo qui' venait recruter parmi eux les défenseurs
de la patrie en danger. L’alarme fut prompte
et générale, tous les hommes se cachaient, et l’on ne
trouva d’abord que des femmes et des enfants dans la
consternation. Ce ne fut qu’après s’être bien convaincus
qu’ils avaient affaire à des Français qui venaient
leur offrir des piastres à gagner, que la population
fut tout-à-fait rassurée et osa se montrer. Les denrées
furent apportées et les provisions se firent facilement.
Ce fait s’accorde assez bien avec le peu d’ardeur
que les habitants de la campagne , m’avait-on dit,
montraient à rallier le drapeau. Ce n’était qu’à force
de patrouilles en armes qu’on pouvait en venir à bout;
et cela se conçoit, car dans l’état délabré des finances