et sans parapets même aux endroits où ils sont bordés
de véritables précipices. Là, cavaliers et piétons sont
obligés de cheminer côte à côte, au risque de se heurter
et de se croiser, au grand désagrément des uns et
des autres. Au temps des pluies, ces chemins sont
presque impraticables *.
Nous étions favorisés d’un beau temps, et comme
c’était un dimanche à l’heure de la promenade, il y
avait affluence de promeneurs des deux sexes. Parmi
les femmes, j’en vis avec des figures assez agréables ,
des pieds mignons et une jolie taille ; mais elles ont
généralement mauvaise tournure, et leur costume est
peu gracieux.
M. Duportail me conduisit ensuite à la place d’armes,
où je vis une compagnie d’artillerie faisant l’exercice
avec les pièces de campagne. Cette compagnie
faisait partie de l’armée destinée à combattre contre le
Pérou. Cette armée comptait environ 5,000 soldats,
mais mon conducteur doutait fort qu’ils pussent
résister à Santa-Cruz qu’il considérait comme un
homme bien supérieur à tous les Chiliens. A cet
égard, il me répéta ce que M. Bardel m’avait déjà
appris que cette guerre était blâmée par tous les citoyens
sensés, et que c’était üniquement l’oeuvre de
quatre ou cinq intrigants qui s’en faisaient un moyen
de crédit et d’ambition.
Cinq heures du soir étaient arrivées, et nous reprîmes
ter chemin du logis de M. Duportail qui m’avait
fait consentir à rester à dîner avec lui. Pendant notre
promenade, il m’avait appris que M. de La Motte-Du-
portail, l’un des officiers de l’expédition de d’Entre-
casteaux, était son père, et qu’il avait entre ses mains
le journal manuscrit qu’il avait laissé. Bien que je n’en
eusse pas d’avance une haute opinion, je priai mon
hôte de me faire part de cet ouvrage, et en attendant
le repas, je me mis à parcourir ce manuscrit, dont la
lecture ne tarda pas à me procurer un vif intérêt.
Le journal de cet officier est tenu avec une grande
propreté, et écrit sous forme de lettres. Son style est
simple et sans apprêt; mais attachant, pur et agréable.
11 y règne surtout un air de candeur et de bonne
foi qui dispose tout-à-fait en faveur de l’auteur. Seulement
on y rencontre çà et là quelques compliments
un peu fades, qui s’expliquent et s’excusent facilement
par la qualité de la personne à laquelle il s’adressait
(samaîtresse), et par le goût du siècle encore tout
enclin à la galanterie. Cette manière rappelle celle de
Bougainville, et le récit est, à mon avis, aussi amusant
quoique plus riche de faits divers. Ce journal, divisé
en 4 volumes in-4°, d’une écriture très-propre, d’une
orthographe correcte et presque sans ratures, fournirait
facilement 2 volumes in-8° en caractères ordinaires
d’impression , et de 3 ou 400 pages chacun.
Narrateur agréable et léger, il intéresse quand il raconte
les événements de la campagne ; observateur
impartial et judicieux, il intéresse encore davantage
quand il nous dépeint les caractères de ses divers
compagnons et qu’il nous fait assister à toutes les in