heures, la pluie tombait par intervalles et la mer était assez forte,
il fallut lutter près d’une heure pour atteindre les corvettes.
La pompe de cette cérémonie laissera sans doute une longue
impression à Manga-Reva, la population presque entière du
groupe s’y trouvait, et le déploiement des forces des Franissê
' serviront à consolider le pouvoir des missionnaires, s’ils en avaient
besoin. Ces Messieurs ont a se louer de notre passage ; la modération
des deux équipages a favorisé leurs travaux, quoiqu’elle
fût contraire à beaucoup de désirs et de convictions, on avait
compris qu’en favorisant les efforts civilisateurs des missionnaires,
malgré les préjugés qu’ils inculquaient en même temps, c’était
encore rendre service à ces peuples. Plusieurs personnes se rendaient
aux services de l’église dans ce b u t , d’autres, quand l’occasion
se présentait, excitaient la piété et le recueillement des indigènes,
en faisant le signe de la croix ou en priant avec eux. Une
plainte a été portée cependant par M. Cyprien, dans laquelle un
élève était accusé d’avoir attenté à la pudeur d’une jeune femme,
et celte accusation était fausse; un grand nombre de personnes du
bçird étaient présentes lorsque l’incident qui donna lieu à la
plainte est arrivé.
De notre côté, nous n’avons pas à nous plaindre des naturels ,
bien au contraire. Pendant cette relâche ; un seul objet a été volé
c’est une chemise ; mais à la première réclamation, peut-être véhémente
de la part du plaignant, elle a été rendue. L’affaire a fait
beaucoup plus de .bruit qu’elle ne devait en produire. Il aurait
sans doute beaucoup mieux valu perdre la chemise, que de la réclamer
aux missionnaires, qui en ont presque fait une affaire d’état.
En général, les Manga Reviens ne sont pas voleurs, leur caractère
a été bien réformé sous ce rapport; souvent ils nous ont
rapporté des objets perdus, jamais ils n’ont rien pris à ma connaissance
parmi nos objets d’échange, quoiqu’ils en désirassent beaucoup
et qu’ils en demandassent des cadeaux à chaque instant. Au
commencement de la relâche, ils étaient plus obligeants qua la
fin, mais ceci n’est que l’effet de l’habitude; jamais ils n’ont refuse
de rendre les services en leur pouvoir, partout les enfants grimpaient
chercher des cocos, lorsqu’on en désirait, et quoiqu’on
les récompensât toujours , je crois qu’ils le faisaient sans intérêt.
(M. Desgraz.')
N o t e 1 0 7 , p a g e i 85.
Ce matin, j’ai accompagné le commandant dans une visite qu’il
a faite au capitaine de la goélette mouillée devant l’île Ao-Kena.
Ce navire , plus large que X Astrolabe, quoique moins long, paraît
être un bon bâtiment de mer. Son armement de dix canons ,
et un arsenal complet de fusils, de pistolets et de sabres , lui donnent
un air plutôt forban que scientifique. Aussi, le capitaine
Rugg n’est-il autre chose qu’un brocanteur qui vient à Gambier
chercher des perles et de la nacre. Ces deux objets de commerce,
lés seuls que Gambier puisse fournir à l’exportation, deviennent
de jour en jour plus rares, et ne tarderont pas à être épuisés. Ce
sera peut-être un bien pour les naturels, qui, dans la période
critique de la transition de la barbarie à la civilisation, ont peu
à gagner par leur contact avec les marchands. Nos missionnaires
conserveront ainsi plus longtemps leur influence sur ce jeune
peuple, qui a encore besoin d’être tenu en tutelle. Les huîtres
perlières se trouvent en abondance au milieu des coraux de
Mànga-Reva ; la nacre qu’on en retire est assez estimée dans le
commerce; mais les perles d’une belle eau et d’une grosseur remarquable
sont déjà bien rares. Les naturels les cèdent pour de
petits ustensiles , des hardes ou des pièces d’étoffe de coton , dont
une brasse est à peu près l’unité de mesure de longueur adoptée
par tous les spéculateurs. Quelquefois, des plongeurs exercés
s’engagent, pour quelques brasses , a explorer un banc de telle
étendue, dont le produit tout entier doit être livré au marchand.
Souvent ces conventions sont violées par l’insigne mauvaise foi
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