avoir reçu le paiement, les naturels refusèrent de
le livrer. J’aurais bien voulu obtenir quelques
renseignements sur les îles Viti, mais Marion était si
ignorant que je ne pus rien en tirer de bon.
En passant à Vavao, il avait eu occasion de voir
Simonet (Charles), notre ancien déserteur de l’As-
trolabe. Il était alors le conseiller intime du premier
chef de Yavao, qui n’osait rien faire sans prendre
son avis. En voyant d’abord la Joséphine, Simonet
craignait que ce ne fut un brick de guerre et
n’osa se montrer, mais quand il eut reconnu son
erreur, il alla à bord et rendit divers services à
Bureau.
Je m’acheminai vers Manga-Reva où j’arrivai à
deux heures et demie. Mapou-teoa vint lui-même me
recevoir au débarcadère. Je le saluai ainsi que sa
femme qui était sortie de sa case et je poussai droit
chez le père Cyprien. Je les invitai l’un et l’autre à
venir dîner le jour suivant à bord avec moi, ce qui
parut les flatter également. Puis nous cheminâmes
ensemble sur la belle promenade dont j’ai déjà fait
mention, accompagnés de plusieurs naturels qui
nous firent cortège. Parmi eux je choisis un vieillard
à barbe blanche, que j’interrogeai par l’organe de
M. Cyprien et qui répondit avec intelligence et précision
à mes questions.
Avant l’arrivée de Beechey les naturels de Manga-
Reva n’avaient jamais vu de blancs auxquels ils ont
donné le nom de Pakeha (ce dernier mot était aussi
employé à la Nouvelle-Zélande). Mais ils avaient quelquefois
aperçu des navires flottant au large, et ils les
prenaient pour des esprits. Maupe-Rere, alors chef de
l’île, se montra à Beechey et en reçut des présents;
mais tout fut bientôt gâté par quelques esprits turbulents,
que la cupidité poussa à voler les étrangers.
Il y eut une rixe, et plusieurs coups de canon furent
tirés du Blossom.
A mon passage devant les cases, les habitants sortaient
de leurs maisons, et venaient me saluer d’un
air riant et amical par ces mots, Iko-na-ra, tena-koe
et botoir (pour bonsoir), auxquels je répondais par les
mots Iko-na-ra, kokoe-noti, ce qui leur faisait grand
plaisir. De grandes filles à l’air de santé, pleines de
candeur et de naïveté, se mettaient à me suivre tout
en continuant de filer leurs quenouilles de coton, et se
contentaient de rire avec innocence quand je jetais
les yeux sur elles. A ce cortège se joignait encore une
foule d’enfants éveillés, agiles et joyeux, mais tous
doux, paisibles et sans malice. En vérité cette peuplade
dans son état actuel présentait un spectacle intéressant
et paraissait jouir de toute la part de bonheur
dont elle était susceptible.
Comme je passais près de la case du pauvre païen
obstiné, Koko-Anga, je le vis se lever précipitamment,
se draper de sa natte et rentrer dans sa demeure.
Respectant le désir qu’il me témoignait par
là de n’être pas troublé, je passai outre.
Je poursuivis ma promenade, continuant d’enregistrer
les détails que me donnait M. Cyprien.
Tou était le lils aîné de Tanga-loa, et comme il pré