En mettant les pieds dans l’intérieur de la ville y et
en tâchant de me rappeler le souvenir que j’en avais
gardé, je fus consterné à la vue du spectacle de désolation
que j’eus sous les yeux. Au lieu de ces rues
vastes et bien tracées, de ces maisons propres, bien
alignées et respirant l’aisance, nous avions souvent
peine à suivre notre route au travers d’un amas confus
de décombres. Car, loin d’avoir pu réparer les outrages
du tremblement de terre, c’était à peine si l’on
avait partout déblayé le passage. Les ruines de la cathédrale
, tristes vestiges de son ancienne splendeur,
occupaient un espace immense, et le local destiné
temporairement* au service divin était un long hangar
d’un aspect sale et lugubre, bien inférieur aux élégantes
constructions que j’avais jadis observées à Taïti
et à Tonga.
Le très-petit nombre de maisons qui avaient résisté
à la catastrophe offraient pour la plupart des murailles
fortement lézardées, que la moindre secousse menaçait
de jeter par terre, et j’admirais l’insouciance des
habitants qui pouvaient vivre dans ces gîtes, en ayant
pour ainsi dire sans cesse la mort suspendue sur leur
tête.
Quelques-uns travaillaient à rebâtir leurs maisons,
et sans tenir compte d’une expérience trop souvent
répétée, ils relevaient à grands frais des murailles
hautes et pesantes en briques pour les écraser de nouveau.
Du moins, pour ma part, j’aurais employé des
charpentes élastiques et bien plus propres à conserver
leur équilibre sur un sol aussi mouvant. Les forêts sont
d’ailleurs si communes dans ce pays, que le bois y est
bien peu dispendieux.
Ayant témoigné à M. Bardel le désir de rendre sur-
le-champ ma visite à l’autorité principale du lieu, il
me conduisit chez don Rïbeita, intendant de la province
de Concepcion. Il était en ce moment absent
pour remplir l’une des plus importantes fonctions de
sa dignité, sa visite d’inspection dans toutes les prisons,
qui a lieu tous les deuxièmes jours de chaque
mois. En son absence, nous fûmes reçus par ses
dames avec beaucoup de politesse.
Après notre déjeûner, nous fîmes encore un tour
dans la ville ; sa surface était jadis considérable,
occupant un rectangle dont la longueur n’était pas
de moins de 22 quadras de maisons, chacune de
150 vares d’étendue. La vare était de 30 pouces; ces
dimensions donnaient près d’une demi-lieue d’étendue
à la ville, bien qu’on n’y comptât que 7,500 habitants.
Il est vrai que plusieurs de ces quadras n’existaient
encore qu’en projet ou tout au plus en tracé ,
sans avoir été jamais terminées.
Longtemps après le terrible événement, tous les
habitants furent réduits à camper sous des tentes, au
milieu des rues, n’osant trop s’approcher des murs
de leurs demeures en ruines, dans la crainte d’être
écrasés sous leur chute. Aujourd’hui même, nombre
de familles, jadis opulentes, sont réduites à habiter
de méchantes maisons en planches ou en torchis.
Nous fîmes une visite au docteur Yermoülin, Belge