midi que la goélette se trouva à 3 encâblures sous Iè
vent à nous. Nous pûmes voir alors que c’était un fort
beau bâtiment, bien tenu dans son espèce, armé d’un
équipage assez nombreux et de quelques pièces d’artillerie.
Après un moment d’hésitation, une baleinière
fut amenée, le capitaine s’embarqua dedans; sollicita
la permission de monter sur YAstrolobe et vint très-
poliment me demander mon point. Je le lui donnai
sur-le-champ; nous étions alors par 98° 30' long. 0. et
son chronomètre le plaçait de 23' plus à l’ouest.
Quand il eut appris que nos navires étaient destinés
à des reconnaissances dans l’Océanie, il s’empressa
de nous donner lui-même les renseignements suivants,
sur ses projets.
D’abord, son nom est Christophus-James Rugg, Anglais
de naissance. Son navire se nomme The Friends,
et il l’a acheté tout prêt à prendre la mer, moyennant
11,500 dollars, à Arica, dont il est parti quinze
jours auparavant. C’est un navire de 200 tonneaux,
bien armé et monté par trente-sept hommes de diverses
nations, Anglais, Américains et Chiliens. Son
but est de parcourir les diverses îles de la Polynésie,
moitié pour la science et moitié pour le commerce. 11
visitera Manga-Reva, Taïti, poussera jusqu’aux Viti
et reviendra par les îles Hawaii. Il emmène avec lui
son beau-frère, amateur et collecteur de coquilles,
et un autre naturaliste, nommé Richardson. Il est
pourvu d’objets d’échange pour le commerce de ces
mers, c’est-à-dire pour la nacre, les perles, l’écaille,
etc., etc.
Il a fait la recherche de quelques îles indiquées
dans ces parages, sur la carte de Norie, la seule qu il
possède, et n’a rien trouvé. Un exemplaire de ma
carte de l’Océanie, dont je lui fais présent paraît lui
faire beaucoup de plaisir. Le capitaine Rugg, petit
homme de quarante à quarante-cinq ans, paraît être
un marin intelligent et capable, et je pense qu il
pourra réussir, si son équipage lui est fidèle.
Après avoir obtenu mon consentement, il retourna
à son bord et nous amena son beau-frère qui parut
dans un état de maladie fort peu rassurant, afin de
consulter notre médecin, le docteur Hombron.
Je remets à M. Rugg des lettres qui avaient été déposées
à bordàYalparaiso pour MM. Mauruc et Ebrill
à Taïti, bien qu’il ne fût guère probable alors que je
dusse visiter cette île. Je le prie aussi de prévenir nos
missionnaires, à Manga-Reva, de notre prochaine arrb
vée ; il était chargé lui-même de plusieurs paquets
pour eux. lime quitte définitivement vers six heures,
après m’avoir réitéré ses remerciements.
Nous reprîmes ensuite notre traversée monotone,
dont la rencontre de l’Anglais avait un moment rompu
la triste uniformité. En effet, dans ces occasions
une foule de questions occupe tour à tour le marin.
Quel est-il? D’où vient-il? Où va-t-il? Que fait-il? etc.
On cherche à les résoudre. Puis si 1 on y réussit, 1 imagination
s’évertue, les réflexions, les commentaires,
les hypothèses vont leur train, et le temps passe un
peu plus vite. Puis tout cela s’use, et l’on revient à la
marche ordinaire de ses occupations journalières,
1838.
Juin.