publiquement de misérables qu’il fallait conduire
comme des bouros (ânes) à coups de bâton. Cette conduite
peu mesurée aigrit beaucoup d’esprits contre
lui, et finit par amener sa perte. Du reste, il ne laissa
aucune espèce de fortune, ce qui prouve du moins
que c’était un honnête homme.
Le président actuel, Prieto, est un bon homme,
mais sans aucune espèce d’énergie personnelle. C’est
Garrido qui le dirige et lui fait faire tout ce qui lui
plaît ; j’appris que celui-ci avait commencé à servir
dans l’armée royale où il s’était promptement fait
connaître par son ardeur et son activité.
D’après la loi, la presse doit être entièrement libre
au Chili. Mais cette liberté est assez singulièrement
entendue. Quelque temps avant notre passage, un
journaliste s’étant avisé de critiquer l’administration
du gouverneur, Garrido, sans autre forme de procès,
fit partir le téméraire publiciste sur un navire et le
déporta sur l’île déserte de Mas-a-Fuero. Du reste,
une corvette péruvienne le ramena sur le continent,
et il habite encore aujourd’hui Valparaiso, sans qu’il
ait rien à craindre; seulement il est probable qu’il
sera un peu plus prudent désormais dans ses écrits.
Redescendus dans la grande rue, nous passâmes
près d’une église en construction très-avancée et qui
sera de bon goût. Puis nou£ traversâmes le lit du torrent,
aujourd’hui entièrement à sec, mais qui devient
quelquefois très-considérable après les fortes pluies
et cause de grands ravages aux propriétés voisines.
On me montra la route de Sant-Yago, puis nous gravîmes
sur la hauteur qui domine la ville dans l’est.
De là, nous eûmes une nouvelle vue générale de la
rade et de la ville. Cette fois nous prenions celle-ci
de profil, et je voyais se détacher dans les quebradas
les charmantes habitations des Anglais. Leur
position élevée, leur bon goût et leur délicieuse propreté
semblaient indiquer que leurs propriétaires devaient
être les puissances du lieu. En les considérant,
on se rappelle involontairement ces élégants édifices
dont le pinceau de nos artistes se plaît à décorer les
anciennes cités de la Grèce.
Cette fois, en revenant, nous traversâmes Y Almendral
par une rue du bas quartier. Je ne vis que
des maisons, ou plutôt des tannières en bois de l’aspect
le plus sale et le plus dégoûtant. C’est ici qu’affluent,
me dit-on, de jour en jour les Gouaços, attirés
par l’aisance que le commerce verse dans Valparaiso.
Je ne pus m’empêcher de remarquer par la quantité
de marmots qui fourmillent dans les rues et les maisons,
que l’organe assigné par Gall à certaine faculté
devait s’exercer d’une manière active et fructueuse.
Du reste, cette petite population n’offrait que des
traits disgracieux et sans intelligence ; les jeunes
filles même, en général partout ailleurs plus ou
moins intéressantes, n’avaient rien que de maussade
et de repoussant.
Continuant notre course au grand trot, nous fûmes
bientôt parvenus à l’extrémité opposée de la ville, et
nous commençâmes à gravir les quebradas par des
sentiers étroits, tortueux, horriblement entretenus,