ehages. Ils s'emparaient dès outils de nos matelots pour faire une
petite digue et un réservoir convenable pour puiser l’eau; des cocos,
des fruits à pain et d’autres fruits furent apportés à nos gens
qui n’étaient pas peu satisfaits d’une réception aussi courtoise. Les
hardes destinées à la lessive furent enlevées des mains des mousses
et des domestiques qui les portaient, et furent lavées par les naturels,
sans qu’il y manquât un chiffon. Les vêtements et le linge
étaient’pourtant d’un si grand prix aux yeux des naturels, que
pour se procurer un mauvais mouchoir, une chemise, uneculotte
en lambeaux, ils cédaient les objets auxquels ils tenaient le plus,
des armes et des colliers en dents de cachalot qui leur servaient
de parure. Ainsi, nos futailles se remplirent, nos matelots se régalèrent
des fruits les plus recherchés du pays, sans qu’on puisse
dire que ces services aient été rendus par l’appât d’un bénéfice.
Cependant, tant d’amitiés, tant d’empressement furent récompensés
par les largesses de nos matelots, qui offrirent à leur tour
quelques bagatelles, des hameçons, des couteaux de deux sous ou
de mauvaises guenilles.
Le commandant a fait aujourd’hui sa visite à l’aka-riki Mapou-
teoa. Toute la population deManga-Reva accourut au-devant du
grand ranga-tira français. Le roi le reçut au débarcadère, et le
conduisit devant son habitation. Là le commandant assis sur une
sorte de fauteuil recouvert d’une pièce d’étoffe du pays, ayant
auprès de lui les missionnaires, M. Cyprien, le roi et son oncle
Matoua, entouré d’une foule de peuple rangé en silence, prit la
parole, et dit à Mapouteoa que le grand roi des Français avait
appris avec plaisir sa conversion à la religion chrétienne, qu’il
était content de sa conduite à l’égard des missionnaires, et qu’il
l’engageait à être toujours doux et bon euvers les Européens,
que notre roi avait des bâtiments bis n plus forts que nos
corvettes, qui viendraient visiter ces îles, et continuer des relations
d amitié avec les Manga-Reviens. Après ce discours, on fit
devant Mapouteoa l’étalage des cadeaux qui lui étaient offerts. Les
pièces d’étoffes furent déroulées l’une après l’autre et étendues
aux yeux de la multitude qui poussait des cris d’admiration,
surtout les femmes ; divers instruments et ustensiles, tels que couteaux,
rasoirs, cuillers, miroirs, herminettes, un habillement
complet, n’excitèrent pas moins d’admiration. Mais ce fut bien
autre chose quand on eut présenté au roi un fusil à deux coups,
avec 3 kilogrammes de poudre. Alors lesporoutou et les meïs/aïae
suffisaient pas pour rendre l’admiration générale. Jamais le bon
peuple deManga Reva n’avait vu un si riche étalage. Il en conçut
la plus haute estime pour le puissant chef qui avait envoyé de si
loin un tel présent, et pour le ranga-tira qui était son représentant.
Le pauvre Mapouteoa ne savait trop comment exprimer
sa reconnaissance. Mais son oncle Matoua, l’ex-grand-prétre, se
leva et adressa au peuple un long discours sur la puissance de la
France et de son chef.
(M. Roquemaurel.')
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Sur les dix heures du matin, le commandant s’embarqua dans
sa yole avec les présents qu’il destinait au roi Mapouteoa. Il fut
reçu par cette majesté avec tous les honneurs possibles ; une population
nombreuse se pressait tout autour de la grande place où
le roi attendaitle commandant. Des étoffes à couleurs vives qu’on
déroula devant l’ariki, excitèrent un hourra universel parmi tous
les spectateurs ; des effets de toilette et quelques ustensiles d’un
usage continuel en Europe, tels que des couteaux de table, des rasoirs,
des ciseaux, émerveillèrent le roi et sa famille; mais la joie
royale approcha de la stupéfaction, quand le commandant offrit
un fusil à deux coups et plusieurs rouleaux de poudre fine à
Mapouteoa. Les spectateurs manifestaient par des exclamations
joyeuses l’étonnement que leur inspirait un pareil cadeau, et on