une belle arcade naturelle. La demeure du roi est adossée à
cette porte et fait face à une place qui n’est autre chose qu’un
terrain régulier entouré d’arbres. Ce palais n’a rien qui le distingue
des autres cases, si ce n’est sa plus grande étendue. C’est
donc une simple grange construite en feuilles de pandanus, ar-
tistement cousues ensemble, sans autre ouverture qu’ui.e porte
de bois, la seule peut-êlr.e qu’il y a dans le pays. On regretté
déjà de trouver ce mode de clôture dans un pays où l’on croirait
quelquefois voir régner l’âge d’or. Non loin de là est une case
habitée par la famille royale, ses femmes et ses enfants. 3e suppose
que Sa Majesté devenue très-chrétienne, n’a qu’une seule femme;
mais sans nuire à la réputation de vertu de l’auguste néophyte,
je puis dire avoir vu là un groupe de femmes qui pouvait bien
constituer un véritable harem. Leur costume n’avait cependant
rien que de très-pudique; une robe-chemise ou blouse d’indienne
les enveloppait des pieds jusqu’à la tête. Leur tête n’avait
d’autre parure que des cheveux noirs et lissés flottant sur les
épaules. Les femmes se montrèrent en général peu empressées
autour de nous. Cette réserve, cette froideur qui contrastaient
avec la cordialité des hommes, sont sans doute le résultat des leçons
des missionnaires qui nous ont dépeints comme des enfants
de Bélial. La physionomie de ces femmes n’avait rien de
gracieux, et l'on pourrait même trouver quelque chose de 'dur
dans ce regard peu expressif, ce large visage aux traits grossiers,
pommettes saillantes, front déprimé, lèvres grosses, bouche large
et rapprochée du nez, menton carré, yeux peu ouverts mais
bien fendus, teint d’un brun jaunâtre foncé qui ne se déridait
par un sourire passager qu’à l’occasion du bonjour ou ouarana,
après1 quoi ils reprend aussitôt à la vue de l’étranger son impassibilité
première, .
Nous cherchâmes vainement un ruisseau qui pût nous servir
d’aiguade. Le pilote Guillou nous conduisit vers un mince filet
d’eau qui était bien insuffisant pour les deux corvettes. Une dame
de qualité, la tante du roi, était en ce moment occupée à faire ses
ablutions, agenouillée sur le bord d’une mare fangeuse, formée
par un barrage fait dans la rigole ; cette nayade échevelée qui n a-
vait ni la taille du palmier, ni les yeux de la gazelle, se lève brusquement
à liotre approche, et saisissant les perles de ses cheveux,
s’éloigne d’un pas lourd, après avoir fixé un instant sur nous un
regard stupide. Nous ne tardâmes pas à rencontrer l’heureux possesseur
de notre nymphe des eaux ; c’était Matoua, oncle du roi,
grand-prêtre de la religion manga-revienne avant l’arrivée des
missionnaires; cet homme, vrai géant de six pieds, est sans doute
le plus grand de sa nation. Sa démarche est pénible, ses jambes
fléchissent sous le poids de cet énorme corps. Un chapeau de
paille, un gilet de couleur et un pantalon de coton, forment tout
l’accoutrement européen de ce grand personnage dont les jambes
et les bras et sans doute aussi le corps sont couverts d’un tatouage
noir, en partie couvert par une dartre. Son visage sillonné par
les ans, est couvert d’une épaisse barbe grise. L’abord de ce vieillard
fut plus gracieux que celui de sa sauvage moitié. Après avoir
débité quelques compliments avec un sourire de bonhomie,
Matoua fit un signe auquel un des enfants qui nous entouraient
monta lestement sur un cocotier et en détacha un fruit dont le
suc rafraîchissant nous fut offer!. Nous quittâmes ce vénérable
grand-prêtre, pour aller visiter la case du pilote Guillou, où
nous trouvâmes une propreté, un arrangement et un confortable
encore inconnus aux naturels. La femme du matelot est jeune et
d’un visage assez agréable. Le vieux marin a apporté dans sa
case un esprit d’ordre et de travail. L'aire est balayée avec soin,
aucun brin de feuilles ne dépare l’harmonie de la natte de pandanus
qui forme les murs et la toiture de cette modeste habitation.
Les tables, les bancs-et quelques ustensiles de ménage sont
placés avec une convenance qui semble relever leur simplicité. Le
lit des époux et le berceau de l’enfant sont couverts de i idéaux
blancs. Une fenêtre qui est une véritable innovation dans la r -