La Poya &
la Couteraie
îiatneaux dépendais
de
Valorfine.
côté du Nord defcendent dans le Rhône ; & celles qui coulent
au M id i, vont fe jetter dans l’Arve.
A un petit quart de lieue du plus haut point de ce paffage
, on voit au travers d’une vallée qui s’ouvre fur la g au ch e ,
le fommet neigé du B u e t, qui reffemble au faite d’un toit dont
les pentes font peu inclinées.
L a partie la plus élevée de cette g o r g e , dénuée d’arbres &
d’habitations, paroît extrêmement fauvage ; elle eft prefqu’en-
tiérement couverte de grands blocs de Granit veiné , roulés du
haut des montagnes qui la dominent à droite & à gauche.
M a is vers le bas , le pays devient très-riant ; on côtoyé un
ruiffeau bordé d’un côté d’un petit bois de Mélézes , & de l’autre
de belles prairies. Plus loin au pied de la montagne, on voit
une colline couverte dê champs bien cultivés , & parfemée
de maifons de b o is , qui font les habitations & les greniers
des poffeffeurs de ces champs.
§. y y o , Osr met deux petites heures d’A rgentiere à Valorfine
, mais nous n’allons pas au v illa g e , parce que de là il fau-
droit revenir en arriéré pour entrer dans la vallée qui conduit
au B u e t; notre deffein étoit d’aller coucher dans le dernier
hameau que l’on trouve fur la route de cette montagne. Ce
hameau qui dépend de Valorfine, & qui en eft éloigné de trois
petits quarts de lieue, fe nomme La Poya.
Q u an d nous y fûmes a rrivés, on nous dit qu’il n’y avoit
pas même de la paille pour nous co u ch e r , mais que nous ea
trouverions dans un autre hameau nommé La Couteraie, qui.
n’eft qu’à un petit quart de lieue au Nord de La Poya.
Nous nous déterminâmes d’autant mieux à y aller,, que c ’eft
là que demeure le payfan qui en 1 7 7 6 , m’avoit conduit fur
le B u e t , 8c qui avoit fervi dé guide à Mr. B o u r r it , lorfqu’il
fit l’année précédente la découverte dë cette nouvelle route.
Cet homme qui fe diftingue par une intelligence & des con-
noiffances très-rares dans fon é ta t, mérite d’être recommandé
aux Voyageurs qui penferont à monter fur le Buet. Il fe nomme;
P ie r r e B o y o n ; mais on prononce B o z o n ..
Nous, defeendîmes donc de nos Mulets, nous les biffâmes',
à La P o y a , & nous allâmes à pied à La Couteraie, conduits
par une troupe de jeunes filles, extrêmement vives & de belle
humeur, pour q u i le but de notre voyage, notre habillement-
nos difeours , & jufques à. nos. moindres- mouvemens étaient
dés fujets d’écbts de rire immodérés. Elles, nous accompagnèrent
avec cette joie toujours foutenue jufques à La Couteraie;
elles nous avoient même communiqué une-partie de
leur gayeté , lorfqu’én arrivant nous eûmes le chagrin de trouver
la maifon de notre g u id e , & même toutes les maifons de
ce hameau »fermées & défertes; tous, leurs habitansétoient allés ,
s’établir dans des pâturages élevés fur là pente de la montagne..
Nous engageâmes un jeune garçon, à aller chercher le guide ;;
& comme en attendant fon re to u r , nous fouffrions beaucoup -
du fro id , nos officieufea compagnes nous allumèrent un grand-
feu en plein air,, devant: la maifon-dè P ier r e B ô y o n , qui revint
enfin, nous ouvrit fa maifon, nous traita de fon mieux»,
& nous prépara de bons lits. avec, de la paille fraîche dans,
fbn grenier.